Le premier soir, harassés par cette formidable journée que nous avions passé à ne rien faire, après un apéritif consistant et bien arrosé, nous nous sommes installés (voire vautrés) devant la télévision, dans l'attente de Heroes (qui passe, rappelons-le, à une heure indue) nous avons posé nos yeux sur (ô malheur !) l'île de la tentation. Oui, j'ai honte.
Mon petit ami, éreinté, nous quitta aux premières images de Heroes.
Je le rejoignis dans le monde des rêves… sur le canapé du salon, avant de me traîner jusqu'à notre chambre.
Le deuxième jour, après un réveil tardif (pour moi, l'Homme étant debout depuis deux heures et seul dan ce cas commençait à s'agiter pour réveiller tout le monde sans en avoir l'air) et un petit déjeuner trop léger à mon goût (serais-je trop difficile ? Noooon), une grande bataille : l'escarmouche des courses.
Avec mon amie d'enfance, dès qu'il est question d'argent, même les choses les plus simples deviennent soudain très compliquées.
Ne croyez pas qu'elle soit radine. C'est juste qu'elle a une solution radicale à la problématique question « qui paie quoi ? » : elle paie tout.
C'est de famille : la mère est du même genre, j'en sais quelque chose.
Je vous laisse donc imaginer à quelle sanglante lutte il fallut se livrer à la caisse pour que la caissière prenne un billet plutôt qu'un autre, ne serait-ce que pour payer son propre soin capillaire.
Et pour ne rien gâcher, le petit ami est sur le même modèle.
Mais le récit ne commence pas par les courses, mais par le trajet lui-même.
Pour ceux qui font du vélo, voire du roller, c'est une promenade de santé.
Mais pour celle (exemple : moi) qui se trouve sur le porte-bagages… c'est un calvaire.
Comment les écoliers de l'ancien temps pouvaient en faire un moyen de transport ?
Je fis quelques mètres sur celui de mon cher et tendre lequel avance en zig-zag. Ola, ola.
Pas rassurée du tout, je demande à occuper celui de mon amie, jugée plus aguerrie.
Ou pas.
Je passais le pire trajet de ma vie.
Il devait durer dix minutes au plus, il me parut durer trente.
Premier obstacle : monter en marche (donc position impossible à ajuster).
Tordue, tous les muscles crispés (Dieu seul sait pourquoi. Pour encaisser les chocs ?), verrouillés, ne sachant où me tenir, dans un équilibre précaire, chaque bosse était une falaise, chaque coup de guidon un virage en épingle à cheveux, je ressentais les chaos comme si j'étais montée sur ressorts.
Arrivée à bon port, j'étais fourbue, et mis quelques instants à aligner mon buste et mes gens dans le même sens.
Autant dire que je suis rentrée à pied.
Après un déjeuner encore fort arrosé et plusieurs heures de farniente, nous prîmes notre courage à deux mains et nos maillots de bain pour nous rendre sur la plage, à quelques minutes du logis. Précisément le jour où je m'étais lavé les cheveux. Evidemment.
Mais une profonde déconvenue nous attendait, nous autres novices de l'endroit, tapie sous l'eau… : le sol n'était pas fait de sable, mais de vase. C'est-à-dire que le pied s'y enfonce avec une sensation de succion insupportable, et on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il peut y avoir dessous… Surtout que mon amie, habituée aux fourberies littorales depuis sa tendre enfance ne manqua pas de préciser la présence éventuelle de crabes…
Mais comme pour se faire pardonner de cette déconvenue, il faut reconnaître que l'eau était très bonne.
Que font deux couples lorsqu'ils se baignent ensemble, se demandera le premier quidam venu.
J'ai la réponse. Ils tentent de se couler mutuellement, par des moyens plus ou moins sournois (et efficaces).
Ce fut donc une joyeuse éclaboussade.
De plus, mon maie eu l'idée brillante d'enfiler un maillot deux pièces avec des nœuds pour tenir les bouts de tissus ensembles, pour notre plus grande joie, à mon compagnon et moi.
D'où une grande question métaphysique : qu'est-ce que ça fait si je tire là ?
J'en ai à présent la réponse, une fois encore : une tenue pas très descente, un pécheur qui regarde avec des yeux ronds et une envie soudaine de la part de mon amie d'explorer les profondeur marines.
Une fois nos pieds bien nettoyés/gommés/hydratés/micro-lissés par le bain de boue qu'ils venaient de subir, nous regagnâmes un sol digne de ce nom (comprendre, sur lequel la plante de pied défie Newton et reste en surface) et nous entamâmes une partie de Uno, sous le regard pénétrant de notre nouvel ami le pécheur et au désespoir de mon amie, à qui nous ne manquions pas de faire remarquer l'insistance de ce dernier à nous fixer, et qui, comble de malchance, marqua 121 points (le premier à 500 a perdu) après avoir confié sa main à mon machiavélique petit ami.
Sur cette éclatante défaite, nous décidâmes dans un commun accord de regagner nos pénates.
Au grand désespoir de l'Homme, le dîner-pizzas se déroula devant Docteur House, mais pour son salut, la soirée s'acheva par plusieurs heures de JDR.
Mais je manque à tous mes devoirs ! Je ne vous ai pas parlé du JDR ?
Voilà c'est fait.
Non je plaisante. Il est de mon devoir de vous éclairer sur le drame qui se joua entre nos quatre murs, ce jour-là : nos hôtes ont initié mon copain au JDR ou Jeu De Rôle pour les novices. Principe ? Les joueurs incarnent un personnage, dotés de caractéristiques qui augmentent avec les niveaux et les objets (force, vitalité…), et ils doivent remettre à leur place plein de vilains monstres assoiffés de… de je ne sais quoi, d'ailleurs, et tout le monde s'en moque, des créatures qui passaient par là et qui n'avaient rien demandé à personne.
Notre hôtesse étant positivement habitée par ce jeu, elle réclame d'y jouer à toute heure du jour et de la nuit, en compagnie d'une bonne bouteille de Desperados.
Or, ayant décidé de me soustraire au rite initiatique et de prouver mon indépendance jusqu'à l'entêtement, je fus exclue de leur communauté.
Cela ne me dérangeait pas : cet isolement était de mon fait, et j'aime avoir du temps « pour moi » (pour lire, pour penser aux cartes postales que je n'écrierai qu'une semaine après mon retour ou pour vous narrer ce récit), mais eux, ça les dérangeait.
à suivre