Lundi 9 août 2010 à 18:42

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L'Eglise a toujours condamné la vanité. Au XXIème siècle, elle a enfin mis la main sur le bras armé pour la combattre : les salons de coiffure.
Il vous appâte avec des publicités, des slogans tels que "en matière de cheveux, rien n'est impossible". Oui, mais à quel prix ?

Les salons sont proprets, design et les fauteuils confortables, on vous y attire comme les plantes carnivores attirent les insectes avec des phéromones, vous faisant miroiter la perspective de deux heures de détente à se faire bichonner. Mais ce n'est qu'un leurre.


Vous vouliez juste vous faire belle, changer un peu. Vous étiez innocente. La vie n'a aucune pitié pour ces gens-là.
On commence par vous faire un "gommage" après que vous ayez choisi votre nuance. Ca sonne bien, on se croierait chez l'esthéticienne pour un soin du corps, agréable et doux.
En pratique, ce n'est pas un simple coup de gomme mais une dissolution à l'acide.
On vous laisse baigner le crâne dans une pâte corrosive pendant deux longues heures, des vapeurs asphyxiantes émanent de votre toison capillaire et vous prennent aux sinus lorsque vous oubliez de réfléchir par la bouche.
De temps en temps, une énergique friction vous oblige à pencher la tête en arrière et achève d'emmêler votre crinière.
Vous n'avez jamais eu aussi mal aux cheveux.

Enfin, on vous rince et un shampoing bienfaisant emporte la combustion. Mais c'est temporaire.
Vous croyiez qu'après deux heures, vous en avez fini, qu'il ne reste plus qu'à couper les pointes avant qu'on vous rende votre liberté. Vous n'avez pas encore compris l'essence du salon de coiffure, un long tourment.

Tout d'abord, on vous sèche les cheveux et pour accélérer les choses on les brosse par la même occasion. Malheureusement la tenue du sèche-cheveux inflige un malus de -5 en dextérité et -3 en douceur. C'est simple, on dirait qu'après vous avoir décollé le cuir chevelu avec le vitriol, elle cherche à vous arracher le scalp. Cette harpie s'y prend comme un troll, tirant de toutes ses forces sur le peigne planté dans le nœud qu'elle a fait avec vos cheveux. Elle a des ennuis au boulot, vous êtes son punching-ball.
A ce stade, ils ont de la paille l'aspect et la couleur. Elle ne se rend pas compte que vous vous retenez de pleurer de douleur, en tortionnaire aguerri.

Sournoisement, on vous remet par surprise du colorant et vous comprenez que non seulement vous en avez encore pour au moins une heure, mais qu'en plus vous en aurez pour 30 bonnes minutes de calvaire (la blessure de votre peau reprend du poil de la bête). Avec un semblant de sollicitude, la coiffeuse vous demande si ça ne pique pas trop (la garce). Dans le cas contraire, elle vous laisse sortir avec vos cheveux platine ? Vous ne pouvez même pas exprimer votre affliction, c'est vous qui l'avez demandé.

Le reste se déroule comme dans un rêve, vous êtes anesthésié par la douleur.
On vous fait un léger massage des tempes, on prend enfin soin de vous mais il est trop tard. Il ne vous reste plus qu'à simuler le ravissement devant le résultat final, vendre un bras afin de régler la facture, et enfin vous pouvez prendre vos jambes à votre cou.

Dimanche 8 août 2010 à 15:42

 
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Je déteste les vernissages. Surtout les miens. Des inconnus veulent me rencontrer, commentent mes toiles comme s’ils possédaient sur elles un savoir suprême, font des familiarités ; parce qu’ils m’entretiennent. Le pire, c’est Jacob. C’est lui qui m’a « lancée » et semble impatient de me rattraper. Je ne lui avais rien demandé. Typique. Il doit s’imaginer qu’il m’a sauvée, en tant qu’artiste et en tant que femme.

Je m’assoie sur un coussin élimé avec soin, me cachant derrière une coupe de champagne, faisant mine d’observer une toile avec attention. C’est une fête donnée en mon honneur, alors pourquoi je suis la seule à ne pas m’y amuser ?

Mon maigre camouflage tombe sous l’œil perçant d’une jeune femme, qui s’installe affablement à mes côtés.
« Je vois que vous appréciez la fête. Je déteste vos peintures. »
Je réponds mécaniquement merci avant de réaliser le sens de son propos. Je lui lançai un regard intrigué auquel elle répondit par un petit rire de gorge, très mondain.
« Je me suis dit que vous deviez en avoir assez de ces gens qui a-dorent ce que vous faites. Vous avez eu de la chance de rencontrer Jack. Quoi que vous fassiez, il trouvera toujours des gens à qui ça plaise. Et parfois, c’est un tour de force ! » Elle éclata d'un rire cristallin.
Je pris une gorgée de champagne pour ne pas avoir à répondre. Je ne savais pas comment j’étais censée prendre ses paroles, et la seule réaction qui me venait à l’esprit (quelque chose comme lui sauter à la gorge et lui tirer les cheveux) ne me semblait pas approprié.
Elle promena un regard méditatif sur les toiles les plus proches, avant d’ajouter « mais vous, il pourra vous offrir les portes des plus prestigieuses galeries. Il a de l’œil. Vous devriez accepter de diner avec lui, d’ailleurs, comme il vous l’a demandé. Ça faciliterait votre affaire. Bien sûr qu’il vous l’a demandé. Il ne peut pas résister à une jolie femme. D’ailleurs, elles-mêmes ne lui résistent pas. C’est ça le pouvoir. Je ne parle pas de l’argent ni même des relations. Ça, ça vient après, quand on a le pouvoir. »
Je la laissais babiller. Je supposais qu’elle devait être une femme entretenue (elles l’étaient toutes à ce genre de soirées) rompue aux soirées de bienfaisance (bienfaisance pour qui ?) et à l’art de faire la conversation, champagne aidant.
« Le pouvoir, c’est le charisme. On peut tout faire avec ça. Jack, il a bossé pour devenir médecin, mais c’est grâce aux femmes qu’il a pu se hisser sur l’échelle. Vous aussi, vous avez du charisme. Vous êtes une artiste. Si j’étais vous, je profiterais à fond de Jack, de ce qu’il peut m’offrir. Vous pourrez toujours l’évincer quand vous serez au sommet. Cette rencontre, c’est la meilleure chose qui pouvait vous arriver. De toute façon, ajouta-t-elle en passant sa main sur son buste avec un regard entendu, ce sont toujours les femmes qui ont le pouvoir. »

Heureusement, un autre client vint m’arracher à l’étreinte verbale de cette femme (elle me faisait l’effet d’un boa, resserrant ses anneaux à chaque mot). Mais trop tard. Elle m’avait mordue et soudain je doutais. Et si j’entrais dans la machine ? Et si je me prostituais ?
Je n’avais jamais pensé que ça pourrait durer, je ne m’étais jamais pensée comme artiste. Cette femme laissait entendre que ça pouvait ne jamais finir, qu’ils ne me laisseraient pas partir.
Alors j’ai été aimable avec tous ceux qui m’adressaient la parole, j’ai même flirté avec Jack, puisque ça lui faisait plaisir, et après la fermeture, j’ai mis le feu à l’espace d’exposition.

Vendredi 6 août 2010 à 0:06

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A force de ne voir Andréas nulle part, je me mis à le voir partout.

Ça commençait le matin, lorsque je m’arrachais aux toiles épaisses et poussiéreuses de mes rêves. Je prenais le métro, dévisageant machinalement les passagers, l’œil torve. L’un d’eux levait la tête, nos regards se croisaient, c’était lui. Ses yeux s’éclairaient, il se levait d’un bond et la conversation s’engageait, comme une petite musique.
Mais je descendais toujours seule.

Au magasin, je guettai les entrées, attendant vainement la sienne.
Il entrait brusquement, hagard ou accompagnant un de ses parents avec l’air de s’ennuyer à mourir, il me cherchait des yeux ou détaillait l’environnement autour. Et il me voyait. Je me levais brusquement, lui demandant ce qu’il faisait là. Nous sortions pour avoir un peu d’intimité. Il me faisait alors une déclaration bouleversante, les yeux fous, du genre « j’avais envie de te voir » et je le prenais dans mes bras, comme pour des retrouvailles.
Mais il ne savait pas où je travaillais, pourquoi le saurait-il ?

Sur le chemin du retour, j’espérais le croiser, après tout je lui avais dit une fois ou deux à quelle station j’habitais. Il me voyait arriver, il me reconnaissait, moi je ne fais pas attention aux anonymes autour, il m’interceptait en me retenant par le bras, il bredouillait d’un ton d’excuse « je t’attendais », me serrait contre lui et tout était dit.
Mais il n’était pas du genre à retenir les conversations. Pas avec moi en tous cas. Moi, je me souvenais de tout.

Le soir, je l’attendais encore quand j’y pensais, je l’imaginais tambouriner à ma porte, j’aimais les scénarii romanesques et improbables.
Il ne venait jamais (même s’il avait osé, il n’avait pas mon adresse), je m’étendais sur mon lit, rêvais à la relation que nous n’avions jamais eu.

Je le guettais lorsque je faisais des achats, lorsque je marchais dans la ville, dans les salles d’attentes et dans les cafés, dans les gares et sur l’écran de cinéma, aucune ville, aucune Terre n’est assez grande pour qu’on ne s’y croise jamais.
Le destin nous avait réunit une fois, pourquoi pas une deuxième, comme une renaissance ?

Bien sûr, j’aurai pu lui donner rendez-vous. Mais j’avais un peu peur de sa réponse.

Samedi 31 juillet 2010 à 11:49

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6h du mat et dans le lit un homme qui n’est pas le mien. Je ne suis même pas chez moi, je ne sais pas où je suis. Et puis ça me revient, ça revient toujours. Chagrin d’amour. Sur la table de nuit un verre souvenir d’une parodie, c’est étrange comme la soif s’étanche  en montant les marches de l’escalier. Je le vide d’un trait. Comme ça on est deux. A être vides.
J’aime pas les histoires d’amour. Ça finit toujours en boucherie. On prend le temps de se creuser une place dans ses habitudes, dans le cœur de quelqu’un et un jour il n’y a plus de place. Peut-on quitter quelqu’un sans le briser ?

Je vais à la voiture, je ne sais plus très bien les vêtements que je porte, je ne dois pas être maquillée. J’ai enlevé le porte-clefs qu’on m’avait offert, ça laisse un vide sur le trousseau. Il manque quelque chose.

Je roule doucement mais il n’y a personne. Perdre son amour, c’est une plaie à vif. C’est une idée qui vous mord et qui ne vous quitte plus, vous essayez d’imaginer votre vie en négatif, sans tout ce que vous aviez construit. Soudain vous avez envie de faire semblant. Mais vous avez commencé à réfléchir, alors il est trop tard.

Sans m’en rendre compte, j’ai roulé jusque sous ses fenêtres, question d’habitude. Il ne doit pas être levé encore, aucune lumière ne filtre de ses volets. Il faut que je parte, avant qu’il ne reconnaisse ma voiture.
Partir, c’est ôter un masque, on le fiche dans le cœur de l’autre comme une dague en plein cœur ; on se prend quelques éclats. Mais quoi de plus important que son petit plaisir personnel, quoi de mieux que de tout détruire parce que quelque chose s’est brisé ?
Partir ou rester.

Je vais au boulot un peu en avance, de toute façon je n’ai pas faim et je... Il ne faut pas que j’y pense. Il ne faut pas que j’y pense sinon ça va prendre toute la place, ça remplira tout le vide. Trop tard. J’ai le chagrin d’amour. Je m’en veux, parce que je n’ai pas réussi à faire semblant assez fort, parce que je n’ai pas fait notre bonheur.
J’ai FAILLI et encore un cadavre. Que ne pouvais-je avoir deux vies, une pour l’amour et une pour l’harmonie, une pour mon bonheur et une pour le sien. Mais il faut bien choisir qui anéantir. Alors on poignarde l’autre, pour ne plus avoir à souffrir. Quitte à avoir le cœur soufflé dans la déflagration. Alors j’essaye de penser à mon travail. Mais il manque quelque chose.

Impossible de me concentrer. Les chagrins d’amour. On sait ce qu’on perd et pourtant on ne peut se résoudre à le garder. C’est ma faute.
Je devrai peut-être l’appeler, le sauver des flammes. Mais qui viendra me sauver, moi ?


Twilight : j'ai bien ri.

Jeudi 29 juillet 2010 à 21:45

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Une chanson aux accents de logorrhée berce mes premiers pas sur la terre ferme. Je suis en ville étrangère, présence vaguement hostile qui s’appuie aux fenêtres.
On ne devrait jamais voyager près de chez soi car on n’y est jamais conforté à de l’étrange.
Je me demande pourquoi on voyage, au fond. Etre touriste, c’est tellement décevant : on paye cher pour se ruiner dans des enseignes internationales, rassurantes. Parfois on va dans des musées, sans connaître ceux où on pourrait aller tous les jours (être touriste, c'est une imposture). Peut-être que rien ne marque le dépaysement comme le musée : la beauté est toujours un peu exotique.
On cherche des plaisirs nouveaux, barbares et une tasse de café glacé semble avoir un goût différent, comme si on avait distillé l’atmosphère du pays avec les grains moulus.

J’aime l’économie d’objets voulue par le voyage : tout doit être compact, léger, fonctionnel. Soudain on est confronté aux arrêtes d’un corps, on cherche à le comprendre, et parfois il nous saute au visage. Dans la vie de tous les jours, ils se contentent de nous écraser inévitablement, de nous envahir.
Faire un voyage, c’est tenter d’assainir l’air. Mis très vite, on remplit les étagères de babioles ramassées sur le chemin, pour tenter de capter ce goût d’insolite, l’euphorie de cet instant. Mais l’anormal reste derrière soi, comme rivé à l’éternel horizon.

Pour nous faire payer leur soudain abandon, les objets se vengent et il manque toujours quelque chose, cristallisation d’un quotidien parfumé de madeleine.
Et cette impression nous colle à la peau, ce sentiment tenace d’avoir laissé quelque chose de crucial derrière soi, il fait la saveur un peu acide des translations.

Alors, on revient. Juste pour s’assurer que tout va bien.

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