Dimanche 6 juin 2010 à 21:22

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Image vue sur l'excellent blog "Journal d'une hypokhâgneuse"
Dans le genre il y a aussi celui de Soubi qui est très bien

 

Il y a cependant une période qui surpasse toutes les autres niveau angoisse : la période de révision des oraux.
Le préparationnaire est soudain confronté à un désert après l’effervescence.
Un désert temporel : finies les journées de huit heures de cours (plus une khôlle), où il fallait se dépêcher de rentrer pour finir une dissertation ou deux et entamer la référence d’un illustre universitaire. Le nouveau mot d’ordre est grasse matinée (la plupart des professeurs renoncent à donner cours avant 10 heures de peur de voir les effectifs passer dans les négatifs), il y a même un week-end de trois jours (ce qui tient du sacrilège). Le préparationnaire ne peut que se sentir autorisé à prendre des pauses plus longues que d’ordinaire devant cet emploi du temps 0% de matière grasse et rappeler de vieilles connaissances pas vues depuis deux ans.
Mais il se confronte alors à un deuxième type de désert : le désert social. D’une part, la fréquentation des heures de cours présente un écart-type bien plus resserrés que pendant l’année scolaire pré-écrits : 2/3 de la classe aux cours les plus fréquentés (le tiers restant se vengeant probablement de l’obligation de se présenter en cours le reste de l’année, ou plus charitablement passent des khôlles), on atteint le minimum de 1/5 de la classe en cours de math ou de langue. Les internes profitent de cette impunité pour mettre en place un roulement des présences. Certains restent en arrière pour surveiller Rolland-Garros (on sait jamais, dès fois qu’il s’échappe). Mais c’est pas grave, puisque même ceux qui viennent en cours surveillent l’évolution du score depuis lors leur PC portable (on est jamais trop prudent).
Mais le désert est surtout extérieur à la prépa : personne d’autre n’a la décence d’être en vacances à cette époque de l’année. Le préparationnaire désœuvré va parfois jusqu’à hanter les murs de la prépa, pour se donner une contenance.
Car un ultime vide guette : le vide intérieur. La révision des oraux est passée sous le signe de l’indétermination. Il doit se préparer à des examens mais il n’a aucune certitude concernant sa réussite des écrits. Il travaille donc en sous-régime, sans trop y croire. Et c’est ça qui est terrible : le vide des journées. Habitué à être saturé, cette absence d’obligation véritable le paralyse, le terrifie. Il ne veut pas croire qu’il peut se lever à 9 heures tous les jours, ne travaille que huit heures par jour.

Il se sent alors obligé de saturer ses journées par ses propres moyens. Heureusement, les Dieux sensibles à leur nervosité mettent à leur disposition de moult horaires de khôlles.
Lorsque les rendez-vous se conviennent de prof à élève, l’affrontement est modéré : l’horaire prévu n’est annulé que sur un commun accord, une autre plage horaire pourra être convenue à la fin de l’entretien dans le calme et la sérénité. Certains cours (en partie ou totalement) dédiés à la planification.
Le niveau 2 de la rixe survient lorsque les listes sont affichées dans la classe : on s’inscrit, on se raye, on négocie, on essaye d’éviter tel khôlleur trop sévère, on regrette de ne pas s’être précipité à temps pour avoir les meilleurs créneaux.
La fourberie et la violence sont à leur comble en ce qui concerne les listes affichées dans le couloir ouvertes à tous les élèves (comme les khôlles de langue). C’est le pugilat pour réussir à inscrire son nom dans un espace vierge, mais rien n’est acquis. Il faut se battre pour sa place, certains n’hésitant pas à rayer inopinément les autres pour inscrire le leur à la place, sans consulter l’intéressé, naturellement. La période des oraux révèle la nature humaine : lâchez les chiens.

La sournoiserie n’est pas réservée aux élèves : certains professeurs usent de cette période pour déchainer leurs instincts sadiques. Le cours se métamorphose en oral devant la classe. Dans cette situation, les meilleurs regrettent d’avoir fait montre de leurs talents au grand jour, puisqu’ils sont alors désignés pour passer au tableau. Parfois, ils poussent la duplicité en prenant les élèves au piège : improvisant un cours à un horaire où on ne les attendait pas, ils prennent en otage les malheureux qui travaillent en classe, ils ferment la porte avant qu’ils n’aient le temps de rassembler leurs affaires. Alors, ils les obligent à préparer un oral surprise, avant de désigner un volontaire qui passera devant les autres. On n’y prendra pas le préparationnaire à deux fois.

Vivement les admissibilités, qui donneront un sens à cet exil.

Lundi 31 mai 2010 à 19:51

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Alice se fit la réflexion que pour un lycée, l’endroit était étrangement calme. D’ordinaire, il y a toujours quelques élèves profitant d’une heure de pause pour prendre le soleil (c’était peut-être ça : l’absence de soleil dans ce monde) ou au moins, le bruissement de quelques animaux dans les buissons, un peu de vie entre les haies austères.
Comme pour la contredire, une sonnerie retentit, dissipant le silence de mort. Un cri amplifié par cents haut-parleurs lui fit ensuite écho : « élèves, sortez en rang et gagnez les salles de repos. Les fauteurs de troubles auront la tête coupée ! »
« Avec de telles méthodes éducatives, pas étonnant que tout soit si silencieux » songea Alice la blonde en frissonnant.
Elle était arrivée devant une porte imposante, encadrée par deux valets en livrée, campés sur leurs lances. Ils ne semblaient pas la voir.
Alice fit mine de frapper à la porte mais avant qu’elle ne put achever son geste, les deux gardes avaient avancés d’un pas vers elle, croisant leurs lances devant l’entrée. Ils lui semblaient un peu trop proches –et vaguement hostiles.
« Vous êtes en retard. » dit celui qui était à sa droite.
« En retard pour quoi ? » demanda Alice, décontenancée.
« Vous n’êtes pas une élève ? » demanda le second.
« - Non.
- Mais alors qui êtes-vous ?
- Je suis Alice.
- Alice ?! » répétèrent-ils de concert, et ils firent un nouveau pas en avant, de sorte qu’Alice se sentait prise en étau.
« Alors vous avez décidé de vous rendre ? Qu’on l’amène à la Reine ! » s’exclama l’un des deux.
La porte s’ouvrit brusquement sur la femme aux chignons blancs, qui faisait les cent pas. Alice put alors l’observer de plus près. Ses chignons avaient une forme inhabituelle, non-sphérique, comme une sorte de sucette plate ou d’oreilles de lapin. Elle portait un costume d’homme noir (pantalon gilet par-dessus une chemise blanche). Elle tira une montre à gousset d’une poche de son habit, regarda l’heure en soupirant et toisa Alice.
« Eh bien, dépêchez-vous ! La Reine attend ! » dit-elle en s’engageant dans un couloir. Alice lui emboita le pas, en se demandant pourquoi on l’emmenait d’emblée auprès de ce qui semblait être la dirigeante de l’établissement.
Le lycée sembler se caractériser par des dédales et des coursives qui s’entrecroisaient, s’entremêlaient et Alice craignait de perdre son guide à chaque bifurcation.
Finalement, elle s’immobilisa devant ce qui semblait être une antichambre. Le papier-peint était sommaire (rouge, des motifs en cœur noirs), les fenêtres aveugles étaient barrées de tentures carmins. Les banquettes en velours ras, en forme de cœur, invitaient les visiteurs à rester debout.
La porte en acajou était ornée des lettres « directrice : sa majesté la Reine de cœur. Attendez qu’on vous invite à entrer. »
Un lézard en laquais siégeait à côté de la porte, comme pour prévenir tout crime de lèse-majesté (comme frapper à la porte).
Il contempla les deux arrivantes d’un œil torve pendant quelques minutes avant de leur demander d’un ton monocorde le motif de leur présence.
La femme aux chignons répondit simplement « Alice s’est présentée à la porte ».
Le lézard profita de cette occasion pour prouver qu’il était plus qu’une statue parlante : il s’assit à un secrétaire, chaussa sur son nez des lunettes en demi-lune comme une vieille institutrice (ce qui provoqua chez la jeune fille un fou-rire qui lui valut des regards de mépris des deux autres membres de l’assemblée) et écrit quelques mots sur un parchemin d’un air inspiré avant de regagner son poste.

Vendredi 28 mai 2010 à 10:25

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Certains Dieux ne sont tout bonnement pas affectés par les contingences bassement matérielles. Notamment le Dieu des mathématiques.
Esclave de ses bijoux high-tech (netbook qui sert à collecter les adresses des disciples –électroniques, évidemment- ; téléphone portable qui sonne sans arrêt –sa déesse de femme apparemment, appelons-la Hera au regard de la fréquence de ses appels), il refuse de se faire avoir jusqu’au bout : il ne porte pas de montre, de peur de se transformer en lapin du pays des Merveilles.
Expert dans l’art de diagonaliser de tête des matrices, tout se complique lorsqu’il est question de calculer des heures et des minutes. Etrangement, sa calculette mentale retarde en permanence, c’est un principe : jamais moins de 10 minutes après la sonnerie. Lorsqu’il ne devise pas avec les préfets ou prétexte une photocopie à faire – dont les élèves ne verront jamais la couleur, photocopie étant un mot codé pour désigner « sortir fumer une cigarette » ; il a tout simplement oublié de partir de chez lui. Il n’hésite pas à annuler les cours d’une classe pour finir celui qu’il a commencé avec la précédant (oui, sans surprise il était en retard. En retard d’une heure).
Plus généralement, l’homme n’a aucune notion de l’échéance. Il promet les copies corrigées pour le cours suivant (et demain on rase gratis). À la fin de l’année, un bon tiers des paquets de copies s’est mystérieusement vaporisé, les disciples ont planché 4 heures pour rien (enfin, pas pour rien. Ça leur fait de l’entrainement. D’autant plus fructueux que la correction ne sera jamais prodiguée, les disciples étant vraisemblablement censés la deviner dans la tête du maitre.
Finalement, on peut se demander si le Dieu des math ne diffère pas à ce point des mortels au point de ne pas être doté des formes a-priori de la sensibilité : on a déjà vu que la notion de temps lui est étrangère, mais au regard de (l’absence totale de) la structure de son cours, il ne semble pas non plus avoir celle de l’espace. Le khâgneux, ayatollah du 3x3x3 partie, est médusé devant un cours où on peine à distinguer les chapitres.
Mais qu’importe, après tout, c’est un artiste.

Vendredi 28 mai 2010 à 9:27

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Andréas. Hantes-tu mes pensées par désœuvrement ou par regret ?
L’asphalte résonne encore du son de tes pas et pourtant il n’y a rien à attendre. Je me retiens de dévorer les pages de l’annuaire en quête de ton nom, décrocher le téléphone et chuchoter ton nom dans le récepteur. Je suis sûre que tu ne t’inquiètes pas, tu sais que je suis lâche.
Je repense à ton sourire, à jamais spécial à mes yeux, à ce salut léger dont tu m’as gratifiée lors d’un rencontre de hasard.
Ce pont où tu m’as regardée, pour la dernière fois sans doute, cette entrevue muette, deux êtres qui se croisent, qui se frôlent furtivement, une rencontre manquée, et déjà il faut regagner la rive. Comme d’habitude.
Tu es parti, tu as enflammé la passerelle comme tu as marqué ma peau au fer rouge, comme tu as gravé ton nom dans mes veines.
Alors je voudrais décrocher le téléphone et hurler « tu crois vraiment que nous n’étions qu’une rencontre de hasard ? Tu crois vraiment que ça n’en valait pas la peine ? » et tu me trouverais bête de me rapprocher à cette espèce de destinée que j’ai imaginé, tu reposerais le combiné en souriant, tu te dirais que j’étais quand même une drôle de fille, et ta femme te demanderait ce qu’il y a de si drôle alors tu la prendrais dans tes bras.
Alors je piste ton ombre à travers la ville déserte, les rues murmurent ton nom mais elles ne me renvoient que l’écho de ton absence. Et ce pont, la nuit où pendant quelques instants j’ai oublié le monde et mon cœur a battu au rythme des syllabes An-dré-as. Un bref sourire, un signe de tête. J’ai continué à avancer et le monde a repris ses droits, éclatant à mes sens : ton regard m’a transpercée.
La prochaine fois qu’il te viendra à l’idée d’allumer un brasier, assures-toi que je sois au centre. J’aurais tant voulu être avec toi. Au moins une fois.

Dimanche 23 mai 2010 à 12:56

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L’horrible vérité m’a rattrapée. Je ne me rappelle pas avoir été enfant mais au moins, je cultivais une forme d’innocence sous forme d’idées fausses. Mais elles finissent toujours par nous être arraché, avec le sadisme d’un enfant qui arrache les ailes de papillons.
Un nouveau pas a été franchit : je ne crois plus en l’absolu, une loi pour résumer l’univers, un rejet en bloc du monde social (même s’il me révolte).
À vrai dire, je ne crois pas qu’on puisse atteindre une parole vraie.
Tout n’est que limites, rectification, les faits sont plus complexes qu’ils n’en ont l’air à première vue, ni-blanc-ni-noir, relativisme, correction, question de référentiel. On peut dire tout et son contraire, ce n’est qu’un point de vue.
Je deviens perméable, déformable, prête à accepter les discours apaisants.
L’information à laquelle on a accès est trop superficielle/imprécise/biaisée pour qu’on puisse produire un discours vrai et même Descartes est insuffisant car la faille de tout raisonnement, ce sont les hypothèses de départ.
Je me noie dans le flou.

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