Dimanche 29 août 2010 à 1:10

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Jamais le professeur n'est aussi infect que juste avant la rentrée. Au paroxysme du stress (il faut dire qu'il n'a pas commencé à préparer ses cours), il a mangé du lion. Autant vous dire que les fourmis ne font pas le poids.

Inquiet de ses avantages comme jamais, il demande à plusieurs reprises si les tarifs en magasin sont les mêmes que dans le catalogue (non non, c'est plus cher SANS les frais de port) ou si les remises annoncées ont bien été appliquées (parce que les fourmis sont des êtres pervers qui délibérément ne font pas la réduction de 5% dans le seul but de faire souffrir tout le monde).
La rentrée semble également affecter leur capacité d'attention. Ils prennent un malin plaisir à ne pas répondre aux questions.
"- Vous faites les offres ?
- Quelles offres ?
- Les offres sur la collection Parcours.
- De quelles offres parlez-vous ?
- Les offres sur le manuel et le fichier pédagogique.
- Mais je ne vois pas de quelles offres vous parlez..."
ou encore
"- Vous avez les livres du professeur ?
- Dans quelle matière ?
- 4ème."
Parfois, ça vire carrément au Kamoulox.
"- On a pas reçu les anabrevet en spécimen, on peut les avoir ici ?
- Non, mais je peux vous les vendre à un tarif forfaitaire de 5 euros... Ah, attendez, je ne suis pas sûre qu'ils soient déjà paru, c'est pour ça qu'on ne les a pas envoyé.
- Vous pouvez faire en sorte qu'on m'en envoie un ?
- Je suis désolée Madame, mais ici c'est un magasin, on ne peut pas gérer l'envoi de spécimens...
- C'est pour ça que vous ne l'offrez pas ?
- On a jamais fait de spécimens sur les anabrevets au magasin Madame...
- Ah ce n'est plus un espace enseignant, les prof ne viennent plus ici ?"
Les fourmis s'interrogent encore sur le rapport avec la choucroute.

Plus que jamais, le professeur est bavard. Comme le dit si bien un personnage de Tru Blood : "Je ne sais pas pourquoi les gens se sentent obligés de me raconter leurs problèmes. Peut-être que je suis trop souriante, peut-être que je porte trop de rose.". Peut-être que les fourmis devraient être infectes, pour se dépolluer les oreilles. C'est une constante chez les enseignants : ils semblent croire que s'ils expliquent les détails de leurs petits problèmes, le service n'en sera que meilleur.
Typique :
"- Cette dame vient chercher des guides pédagogiques pour une amie enseignante...
- C'est ma tante..."
Ca change tout !

Tel le prédateur, à l'approche de la rentrée, le professeur prend ses aises. Sûr de son pouvoir en tant que roi des animaux, il se met en travers du passage sans vergogne. Voir les gens faire un détour à cause d'eux ou sentir des secousses dans leur chaise parce que des vendeurs voire d'autres clients sont obligés de se faufiler derrière leur imposante personne ne leur donne pas l'idée de se rapprocher un peu de la table. On apprécie l'exquise civilité du professeur, toujours attentif à autrui.

La rentrée semble avoir un effet sur le métabolisme (carrément) du professeur : il passe en mode berserk dès qu'il est question de gratuité.
"- Je veux tout gratuit.
- On peut pas.
- Bon alors celui-là donnez-le moi.
- Désolée, ce n'est pas possible.
- Mais si, vous me le donnez maintenant et je reviens la semaine prochaine avec la liste qui prouvera que vous pouvez me le donner [saurez-vous trouver ce qui cloche dans cette phrase ?]
- Non, ça ne marche pas comme ça désolée...
- Je le veux gratuit tout de suite ! Je veux parler à votre supérieur !" (la fourmi n'est pas une proie digne du lion).
Pour le professeur, il n'y a que deux types de personnes dans les librairies : ceux qui font les politiques de vente et ceux qui les appliquent (catégorie exclusivement réservée aux fourmis). Je suis sûre que le PDG sera ravi de vous consacrer une demi-heure pour discuter de son idée complètement étrange de faire payer les clients).

En mode berserk, il se sent invincible, il se sent tout permis : "j'exige la gratuité totale" (par opposition à la gratuité partielle "un acheté, un offert" ?).
Parfois, ils tentent la négociation, cherchant par exemple à acheter un élément d’un pack. Bémol : on va pas dépecer un exemplaire pour lui ni déplumer la démonstration pour ses beaux yeux, d’autant que le prix pour cet élément seul n’existe. Dilemme du prof qui cogite une demi-heure et insiste (à plusieures reprises) auprès des fourmis pour qu’elles lui vendent l’élément seul (et elles lui expliquent dix fois pourquoi c’est pas possible), parce qu’il est TELLEMENT BIEN, et TELLEMENT PRATIQUE… Dois-je préciser qu’il aurait pu se le procurer avec le pack complet pour le prix extravagant de… quatre euros ?

Le mode berserk semble donc limiter leurs capacités cognitives. Exemple de question tout à fait opportune : " Vous travaillez ici ?". Pas du tout, je vous avouerai que j'aime sortir des livres des cartons et les balader sous le bras sans savoir où les ranger, je trouve ça très seyant.
Parallèlement, leurs hormones sont au maximum. Les vieilles dames n'hésitent pas à faire des remarques d'une finesse et d'un à-propos renversant : "vous avez un joli décolleté" (pourquoi pas "vous avez des cuisses très fines" ou "une chute de reins très racée") et les hommes dans la fleur de l'âge font des compliments spontanés et sincères comme "vous êtes une princesse".
Leurs hormones sont tellement au max qu’une simple sortie chez le libraire devient un terrain de chasse. Prenons l’exemple d’une jeune prof qui vient chercher ses manuels scolaires (pour sa dignité, nous ne citerons pas son nom mais le cœur y est). Après avoir fait ses emplettes et s’être fait expliquer comment aller chez un autre libraire, elle est sur le départ, quand soudain, un prof jeune et séduisant débarque dans la boutique. Tout de suite, elle semble un peu moins pressée, elle s’accoude innocemment au comptoir genre « ce que vous explique la fourmi m’intéresse infiniment ». Les explications finies, le jeune prof tombe entre les pattes de la mante : « Vous êtes un nouveau prof vous aussi ? Vous êtes prof de quoi ? ». Quand elle apprend qu’il enseigne la même matière qu’elle, elle roule des yeux en lui demandant « quel niveau ? » avec ce ton un peu pressant qu’on prend pour signifier l’excitation qui nous gagne devant les coïncidences incroyables, genre « MAIS SI CA SE TROUVE, ON A LES MÊMES NIVEAUX !!! Mon Dieu ce serait tellement fou et improbable ! ». Malheureusement ce n’est pas le cas mais le ton devient plus frénétique encore quand elle demande dans quel collège il a été affecté, l’idée qu’ils sont peut-être dans le même manque de la faire défaillir. Là encore, c’est raté, mais ils ressortent du magasin ensemble. C’est beau l’amour.
Ils peuvent aussi sortir des âneries, comme « je n’ai pas mon adresse mail sur moi » preuve de leur grande familiarité avec la Toile. Et quand on leur demande leur adresse postale, ils sortent un bout de brique issu de leur mur ?

Ils adoptent même parfois un costume berserk signalant cet état particulier, en abordant des signes distinctifs de mauvais goût, comme un palmier de cheveux au sommet du crâne ou un costume africain jaune poussin surmonté de symboles religieux. Notre préféré, une créature toute droit sortie des enfers : une professeur pas toute jeune (en témoignent les rides sur sa peau), bronzée au fond de teint (donc dans les tons oranges), un des sourcils est surmonté d'un piercing, soulignant avec finesse son maquillage : un fard blanc sur l'ensemble de la paupière supérieure, surmontée par une tâche noire entre le prolongement du sourcil et le coin externe de l'oeil (judicieux rappel de sa robe et de ses boucles d'oreilles blanches à pois noirs).

Le professeur berserk est prêt à tenir n’importe qui responsable de ses déconvenues : par exemple, il n’hésite pas à incendier la fourmi parce que lorsque le prof a appellé, « ON » lui a prétendu que le guide pédagogique était disponible ou que le magasin était ouvert le lundi 16 août. Quand on lui explique que ce n’est pas le magasin qui reçoit les appels, il se déconfit, faute de trouver une victime à houspiller. C’est fou quand même, ce central téléphonique farceur qui donne de mauvaises infos. Au fond, même les maisons d’édition ont le sens de l’humour.

Par ailleurs, le professeur berserk perd toute notion du temps. Par exemple, ils arrivent en fin de journée (le plus tard possible), et quand on leur dit "on va fermer" ou mieux "on ferme", ils n'entendent pas "vite ! vite ! J’attrape les manuels dont j'ai besoin et je caracole à la caisse !" mais "cool ! Je peux me poser et passer trois plombes à me promener dans les rayons et à poser des questions !". En plus, ce ne sont jamais des clients qu'il suffit d'encaisser, ils exigent toujuours un procédé long et douloureux qui implique de répondre à des questions sur les différentes collections, l'absence de carte d'enseignant ou la mise en place d'un échange de livres.

Et comme tout vient à point à qui sait attendre, rentrée + fin de journée donnent le même résultat que dans les jeux vidéos : le boss final, c'est-à-dire le professeur tellement barré qu'il en est flippant, le cauchemar de la fourmi.
Le type qui arrive en caisse 10 minutes après la fermeture, une pile de guides pédagogiques sous le bras.
La fourmi lui demande :
"- Vous êtes enseignant ?
- Non."
Vaguement ennuyée, la fourmi lui explique qu'elle ne peut pas vendre ces livres aux non-enseignants. Il rétorque "Alors je suis enseignant", crédibilité au maximum.
La fourmi demande donc à voir la carte de l'enseignant, minimum vital pour prouver ses allégations. L'homme finit par obtempérer (en quelques sortes), brandissant de loin sa carte pendant quelques secondes avant de l'escamoter, en ajoutant quelque chose comme "hop ! Voilà, vous l'avez vuuuu !". Quel humour.
La fourmi prend alors la peine de lui faire remarquer avec patience "il faut que je vois votre nom pour pouvoir vous inscrire".
Pour gagner son combat contre la fourmi (c'est-à-dire la faire craquer à force de bizarreries et de propension à être agaçant), il passe du mode "école du rire" au mode "enfant de cinq ans" dans sa période "pourquoi ?".
Il demande donc :
"- Pourquoi il faut s'inscrire ?
- Pour qu'on puisse vous vendre les livres du prof.
- Pourquoi ?
- Pour vous appliquer des tarifs préférentiels.
- Pourquoi ?
- Pour que vous payiez moins cher.
- Pourquoi ?
- C'est pour l'information du magasin.
- Pourquoi ?..."
Vous avez dit contrariant ?
Après cinq minutes d'explications en boucle, l'information finit par atteindre le cerveau. Il laisse avec une répugnance visible sa carte entre les pattes de la fourmi. Le pire, c’est qu’il était déjà venu, il aurait suffit qu’il dise son nom…
Voyant que cette tactique a échoué, il se rabat sur une autre technique de combat : il agresse la fourmi.
« - Et si ma femme veut acheter des guides pédagogiques ?
- Elle doit venir en votre nom, avec votre carte par exemple.
- Mais si je vais chez Gibert ?
- Nous ne sommes pas responsables de la politique commerciale de Gibert.
- Mais si je veux faire travailler mon enfant ? »
C’est PRECISEMENT la raison pour laquelle on ne les vend qu’aux enseignants…
Et là, head shot de la fourmi : « le guide de l’enseignant, comme son nom l’indique, est destiné aux enseignants. »
Vaincu, il tente un « de toute façon, les exercices de primaire, ça va pas très loin » mais le cœur n’y est pas (d’autant qu’il s’auto-contredit : si c’est si facile à corriger, pas besoin d’un guide de l’enseignant).
Vivement l'année prochaine !

Mercredi 25 août 2010 à 19:25

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Je n'en suis pas fière et pourtant j'en tire une sourde excitation qui pulse dans mes veines. Je n'ai pas besoin qu'on me fasse la morale. Je n'ai même pas l'impression d'être en faute, pour moi ça ne compte pas. Il est trop vieux pour que ça compte.
Je ne sais pas qui a fait le premier pas. C'était trop bizarre pour qu'il y ait vraiment un premier pas.

On s'est rencontré sur notre lieu de travail, moi je vendais des livres (c'était les vacances) et lui il descendait du siège pour vérifier la conformité des couvertures avec les données informatiques, des choses captivantes de ce genre. Moi, la première fois que je l'ai vu, je me suis dit qu'il était plutôt pas mal, pour un vieux (surtout en comparaison des sales tronches des clients qu'on voyait défiler). Lui, je sais pas, il n'a sans doute pas fait attention.
Et là, la faim s'est éveillée et je me suis dit "je le veux". Je le voulais lui comme j'aurai voulu n'importe quel autre homme, je voulais m'assurer de mon pouvoir encore une fois. Je ne pensais pas vraiment gagner, je n'y pense jamais. De toute façon, il y avait la différence d'âge, l'interdit... Le genre de détails qui faisaient que je le voulais distraitement, comme un caprice.
Mais lorsqu'il était là, je voulais le ferrer. C'était la seule idée que j'avais en tête. Lorsqu'il apparaissait le magasin, j'en faisais des tonnes pour être charmante, sourire ultra-bright, petits rires, je tentais de deviser un peu avec lui, pour le retenir. Le matin, il m'arrivait de me préparer en pensant à lui, je mettais une jupe plutôt qu'un jean, je soulignais mes paupières d'un trait de khôl, négligemment. Il venait rarement. Mais c'était toujours vers moi qu'il se dirigeait, un petit sourire aux lèvres.
Je me plaisais à croire que peu à peu qu'il y avait une sorte de relation qui se tissait entre nous, une relation en pointillés et courants d'air, une relation à temps partiel (des vrais sourires, des frôlements, des regards soutenus un instant de trop, le degré zéro du flirt. Et puis il regagnait les étages.). J'avais l'impression d'avoir gagné.

Ca aurait pu continuer comme ça jusqu'à la fin de l'été, et puis mon contrat se serait achevé et on ne se serait plus jamais revu. Mais il a décidé de faire un pas de plus, ma faim dévorante avait triomphé de sa résistance. Je dois dire qu'il s'est bien débrouillé, ça pouvait presque passer pour un accident, il se protégeait en laissant l'ambiguïté.
Il avait laissé une carte de visite sur le comptoir. Il avait fait ça avec discrétion, je ne l'avais pas vu la déposer. Ni personne, il y avait du monde à la boutique. J'espérais que c'était bien la sienne, je ne savais même pas son prénom (pourquoi nous serions-nous présenté ?). J'ai décidé que ce n'était pas une erreur, qu'il avait voulu me laisser le choix.
J'aurai dû la jeter, j'aurai dû me dire que ma faim était allée trop loin. Je lui ai envoyé un message mon dernier jour, lui expliquant que je ne reviendrai plus au magasin, et bonne continuation. J'étais assez satisfaite de mon prétexte, un texto ça n'engage à rien. Il est descendu à la boutique quelques instants plus tard, l'air un peu fébrile, il me cherchait des yeux. Je le surveillais depuis mon poste de caisse avec l'air satisfait de la veuve noire qui a capturé une proie. Il a un peu discuté avec les autres vendeuses, tentant de faire oublier qu'il n'avait pas de raison particulière de descendre au magasin, puis il s'est tourné vers moi et nous avons échangé quelques mots sans importance, les regards que nous avions échangé avaient tout dit, ma liaison était scellée.
Je lui ai envoyé un SMS l'invitant à prendre un verre tandis qu'il remontait, quelques instants plus tard je recevais un rendez-vous. C'est comme ça que j'ai commencé à tromper mon petit ami, avec une certaine euphorie.

D'ailleurs je n'ai pas l'impression de le tromper. Pour ça il faudrait que nous ayons une vraie relation. Je l'appelle quand j'ai besoin de m'assurer de mon pouvoir sur lui, quand j'ai envie de me dépayser, quand il pleut. Nous parlons peu, d'ailleurs je ne sais pas s'il voit quelqu'un d'autre, il ne me parle jamais de mon petit ami. Ce n'est pas important. C'est une relation en gruyère, trop incongrue pour avoir un sens. Il ne me plait pas particulièrement. Tout ce qui compte, c'est que je sois spéciale à ses yeux. C'est toujours comme ça. J'ai besoin de sentir le regard des hommes sur moi, c'est ma faim, mon petit secret.
 
Nous nous amusons beaucoup de notre différence d'âge, Adrien et moi (oui, j'ai oublié de vous dire, mon "amant" s'appelle Adrien). Avec quelqu'un de ma génération, je n'aurai pas pu faire ça, il aurait fallu s'investir, choisir, se cacher, s'expliquer. Avec lui, je peux m'afficher au grand jour, parce que personne n'imagine une liaison entre un homme de quarante ans et une jeune étudiante. On guette le regard des gens, qui tentaient pensifs de deviner notre lien de parenté, ce qui pouvaient nous unir (parrain et filleule ? prof et élève ? ancien baby-sitter ?).
Je n'ai pas besoin de trouver des excuses pour voir un homme de quarante ans. Un homme de quarante ans, ça ne compte pas. Je reste évasive quant à nos activités, nos discussions, et personne ne va s'imaginer des choses. Pourquoi une jeune fille bien dans sa peau et heureuse dans son couple irait fréquenter un vieux ?
J'aime le silence que je peux partager avec lui. Mon copain, il vit dans l'instant présent, et il se sent obligé de saisir le moment, les souvenirs, avec des mots, des exclamations. Il ne me laisse pas être en paix. Sinon, on est bien ensemble, j'ai l'impression que je ne pourrais jamais échapper à son emprise. Il ne parvient plus à contenir ma faim, c'est une proie trop facile.
Avec Adrien, c'est facile. Je n'ai pas sans cesse à me sous-titrer, à me justifier, à m'expliquer. Notre liaison se passe de commentaires. il me prends comme ça, un peu baroque, un peu absente. Au fond, tout ce qu'il y a entre nous, c'est une histoire un peu bizarre, un peu incongrue. Un goût pour ce qui boite, pour ce qui est tabou. Au fond, on est deux paumés qui se sont croisés par hasard.
Bientôt il ne suffira plus à apaiser ma faim.

Jeudi 19 août 2010 à 18:45

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Il ne faut pas chercher l'échec du système éducatif français dans la démission parentale (grand crédo de culpabilisation des femmes qui commettent le crime d'avoir l'ambition de gagner leur indépendance), dans les réformes du programme scolaire (malgré leur talent à réaliser des changements cosmétiques, histoire que tout change un peu pour que rien ne change vraiment) ou dans le réchauffement climatique. Le problème, c'est que certains profs sont des gros assistés. N'importe quelle fourmi pourra en attester.

Pas étonnant que les jeunes ne s'intéressent pas aux cours qu'ils trouvent ringards. Par exemple, comme nous l'avons déjà souligné l'année précédente, le prof est souvent allergique à Internet. C'est leur droit. Seulement, ils ont l'air de croire que les petites fourmis de librairie sont des crypto-responsables maintenance des sites des éditeurs. Ils expliquent par exemple qu'ils n'arrivent pas à rentrer leur mot de passe sur le site F*****. Chère Madame, si vous avez des problèmes de cookies, appelez votre fils, moi je suis pas la hotline. Pire, le prof semble incapable de faire une recherche Google, puisque lorsqu'on lui dit que le guide pédagogique est disponible en ligne, il demande anxieusement à ce qu'on lui note l'adresse. Et si vous alliez sur le site de l'éditeur, c'est peut-être un indice ça ? Notez bien que le prof est bourré de contradictions : il grogne quand le livre du professeur n'est pas gratuit (comment voulez-vous avoir en spécimen quelque chose qui n'est PAS destiné aux élèves ?) mais alors lorsqu'il est gratuitement disponible en ligne, il a le trouillomètre à 200.

Pas étonnant que les jeunes ne sachent plus écrire quand on sait que certains de leurs profs savent à peine lire. Il y en a qui ne la jouent pas stratégiques. Entendons-nous. Drôle d'idée de faire prof lorsqu'on est analphabète. Exemple typique. Le prof va voir la vendeuse, l'exemplaire de démonstration à la main, pour demander quand le guide pédagogique sort. On a envie de lui dire "vous voyez le papier scotché sur le bouquin que vous agitez ? Devinez-quoi ? C'est la réponse !". Les profs n'ont même pas la curiosité de lire ce qu'il y a marqué sur la couverture.

Pas étonnant que les jeunes manquent terriblement de maturité. Le prof est tellement un assisté qu'il a sans cesse besoin d'être rassuré. Par exemple, il n'hésitera pas à poser 3 fois la même question à 3 vendeurs différents, dans l'espoir sans doute que la réponse change. Il a même l'aplomb de reposer la question après qu'un collègue ait vérifié sur le logiciel de stock, qui donne comme chacun sait l'ultime réponse.

Pas étonnant que les jeunes n'aient plus de vocabulaire quand on voit que les profs eux-mêmes sont incapables de manier les subtilités de la langue française pour s'exprimer avec tact. Le prof étant un assisté économique, il commence généralement par demander s'il peut avoir des spécimens. Sauf qu'ils s'expriment avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaines, utilisant de gracieux idiomes tels que "qu'est-ce que j'ai gratuit ?" ou "vous m'offrez quoi ?" car la gratuité leur est due. Il y en a même qui en demandent deux, "pour l'offrir au stagiaire" qu'ils disent. Super cadeau que d'offrir quelque chose obtenu gratuitement : "tiens ma chérie, j'ai trouvé ça par terre, j'ai pensé à toi !" ou "tiens au supermarché il y avait une super promo, un acheté un gratuit ! Je te donne le gratuit !".

Pas étonnant que les jeunes passent leur temps à se plaindre comme s'ils étaient très malheureux. D'une façon générale, on a tendance à confondre la librairie avec les bureaux des pleurs. On a déjà évoqué les lamentations concernant les bugs du site de la maison d'édition, la politique commerciale, la fermeture des autres espaces pédagogiques, il y a aussi les jérémiades concernant le non-envoi de spécimens. Notamment les professeurs des DOM-TOM, en métropole pour les vacances, profitent de leur passage à la librairie pour demander à être inscrit sur les bases de données. Les fourmis ont l'air de pouvoir faire quelque chose contre la volonté de la maison d'édition d'économiser des frais de port ?

Pas étonnant que les jeunes soient de grosses feignasses. Les profs eux-mêmes semblent atteint de flemmite aigue. Cas concret : le prof demande quels livres ils peuvent avoir gratuits. La fourmi répond "bon ça c'est des nouveautés, vous pouvez les avoir en spécimens, mais ceux-là je ne crois pas qu'ils soient sortis cette année" (mise en situation : les livres qui peuvent être offerts sont devant la fourmi qui les tamponne de la mention spécimen, ceux qui ne peuvent certainement pas l'être sont devant la prof) et là la prof demande d'un ton aigre "vous pouvez vérifier ?" (chez les profs, l'option amabilité n'était pas en spécimen). Et vous, vous pourriez soulever la couverture pour regarder vous-même ? Autre anecdote : un prof qui a bien fait 10 aller-retours entre la caisse et les rayons pour connaitre les prix, les manuels proposés par la maison... sachant qu'il a le catalogue à la main où tout est indiqué.

Pas étonnant que les jeunes soient insolents. Les profs eux-mêmes ne manquent pas d'aplomb. Ils n'hésitent pas à faire des scènes pour économiser quatre euros ou pire, à proférer des demi-mensonges. Par exemple, une prof qui veut des spécimens (autant dire un pléonasme). On lui demande alors la liste de l'établissement attestant que ce sont les manuels employés par les élèves. Elle ne l'a pas bien, sûr. On consulte gracieusement la base de données des éditeurs. Les manuels adoptés sont Nathan. Et là, très sûre d'elle-même, elle sort "non mais je veux les faire changer." (mais bien sûr). Vous croyez qu'elle l'aurait signalé avant qu'on lance la recherche ?

Pas étonnant que les jeunes ne sachent plus rien. Nous avons eu un cas de demande de guide pédagogique (c'est-à-dire de correction) pour des exercices photocopiables de CM1. En gros, quelque chose que n'importe quel adulte ayant au moins le brevet est capable de faire sans problème. Les fourmis ont tellement été prises au dépourvu que l'hilarité a manqué poindre. Heureusement, l'une d'elles est parvenu à sauver la face par un subtile "j'avoue que c'est la première fois qu'on me demande ça".

Pas étonnant que les adultes détestent les jeunes. Les adultes eux-mêmes sont imbuvables. On retiendra cette cliente qui est restée une heure dans le magasin, demandant à écouter l'intégralité des comptines de trois albums avant de décider de ne pas les prendre, pour mieux monopoliser une vendeuse pendant dix minutes pour s'enquérir du meilleur itinéraire pour se rendre dans une autre boutique.

Annexe : les maths n'intéressent tellement personne qu'aujourd'hui, ils se sentent obligés de donner à leurs manuels des noms ambigües, comme "Odyssée" ou "Hyperbole". Copieur de littérature, va.

Vendredi 13 août 2010 à 18:42

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Certains professeurs attendent des fourmis de librairie qu'elles pratiquent la télépathie. Ils s'expriment avec une clarté qui ferait pâlir d'envie un politicien. Par exemple, lorsqu'on leur demande s'ils veulent une facture ou si le ticket de caisse suffiront, certains répondent l'air inspiré "une facture pourquoi pas, de toute façon il y a le ticket de caisse n'est-ce pas ?". Décontenancé, vous lui tendez un ticket de caisse. On vous demande alors d'un ton revêche "vous n'avez pas fait de facture ?"
Certains attendent même des fourmis qu'elles soient médium. Je vous fais le topo. Une dame envoie un coursier récupérer "un exemplaire histoire-géo 1ère". Grand dilemme, on propose soit un exemplaire histoire-géo 1ère STG soit un exemplaire histoire et un exemplaire géo 1ère générale. Le coursier (qui n'est pas extra-lucide) ne sait pas. Il appelle sa commanditaire (Dieu bénisse l'inventeur du téléphone portable, qui facilite la communication) et lui passe la petite fourmi. À la question "vous voulez un exemplaire histoire-géo STG ou un exemplaire histoire et un exemplaire géo 1ère générale ?" elle répond "oui". La petite fourmi charge avec conviction donc le coursier de deux exemplaires. Quelques temps plus tard, le coursier revient et gratifie la pauvre petite fourmi d'un "non c'est pas ça". Allons bon. La commanditaire ne voulait que géo (on se demande alors pourquoi elle a marqué HISTOIRE-géo sur sa liste de courses). Le coursier, dégourdi comme pas deux, prend alors la peine de retéléphoner à sa commanditaire pour lui demander la référence de l'ouvrage qu'elle souhaite acquérir (en voilà une idée qu'elle est bonne) et répudie le manuel de géo pour délit de non-conformité. La petite fourmi fait un aller-retour jusqu'à l'étalage pour ramener... le même ouvrage car de toute façon il n'y en a pas d'autre. La référence, contrairement à ce qu'avait prétendu le coursier, était bonne (heureusement qu'il a appelé sa patronne). Puis elle fait un deuxième sprint entre la caisse et l'étagère pour en ramener un qui n'est pas "abimé" (et qui l'a abimé à votre avis ?).
Plus tard, le coursier sera de nouveau aperçu au sein du magasin. Autant vous dire que la petite fourmi est allée se cacher.
Autre exemple : la prof aimable qui dit "la prochaine fois, ça aurait été bien de le dire avant". Désolée de ne pas avoir deviné vos besoins et votre situation par télépathie.

Parlons-en, des factures. Objet mythique pour le professeur, espoir vain de se faire rembourser ses lourds tribus par l'établissement ou de ses déduire de leurs impôts. L'important, c'est d'y croire.
Du coup, il arrive que les fourmis posent d'emblée la fatidique question : "vous voulez une facture ou le ticket de caisse suffira ?".
Je ne vous raconte pas la stupéfaction dans les yeux de la plupart d'entre eux ("pourquoi faire ?") mais la plupart d'entre eux se laissent séduire et disent les mots magiques "oh, je veux bien une petite facture", comme si on leur proposait un bonbon. La facture devient un dû, comme les spécimens. Elle ne servira à rien, mais c'est tellement plus classe qu'un bête ticket de caisse.

Certains profs sont aigris. Après la dame au petit chien (professeur qui entre dans le magasin avec son corniaud dans les bras, en lui parlant comme les vieilles dames au bord de la sénilité "c'est toi qui va composer le code de la carte bleue ? C’est toi qui va faire le code ? Oh bah non, c’est pas toi, hein..."), les rombières, qui sont allées se plaindre en haut lieu du fait qu'une vendeuse était en mini-jupe (crise de lèse-majesté). La pauvre fourmi est encore sous le choc.
Certains font peur. On aime la prof de primaire qui dit "si j'aurai su".

Il faut le savoir, le client est impudent. Il y a ceux qui fouillent dans les papiers posés sur les postes de travail des vendeurs (le client est roi après tout). Certains se penchent même franchement au-dessus du comptoir pour s'emparer d'un stylo-plume (objet personnel, comme chacun devrait le savoir) pourtant hors de portée visuelle, assortissant son geste d'un "je peux ?" cosmétique puisqu'il n'attend pas la réponse. Non mais un stylo-plume, quand même !

Les fourmis peuvent également être tenues personnellement responsables de la fermeture des autres espaces pédagogiques.
70% des professeurs qui franchissent la porte se plaignent que Nathan a fermé ses portes, c'est inadmissible, comment on va faire (acheter un ordinateur avec accès Internet ?). Hatier se sent particulièrement concerné par ce drame.

Il y a des clients qui sont aussi carrément dans le déni.
"- Vous avez le ****** en *** ?
- Non, on ne l'a pas.
- Pas du tout ?"
Si, je dois pouvoir vous trouver du papier et de l'encre pour l'imprimer, ce serait déjà ça.

Mardi 10 août 2010 à 19:00

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Ah, les joies de l'été... les grasses matinées, les bouquins, la climatisation, le job en librairie... A chaque jour suffit sa peine et à chaque été suffit son lot de professeurs.
Chaque vendeur doit s'attendre à avoir son quota de détraqués, de bizarroïdes et d'étranges. Petits exemples afin de préparer psychologiquement les futures petites fourmis.

Vous pouvez avoir un client dragueur, Mesdemoiselles. Il a trente ans de plus que vous, mais il ne peut pas s'empêcher d'être charmeur, vous lui rappelez sa jeunesse. Il se répand en compliments, peut-être dans l'espoir que vous lui accordiez des réductions : il entre en vous apostrophe galamment d'un "j'ai de la chance d'être accueilli par deux femmes belles et souriantes" et tire sa révérence en disant "j'ai eu de la chance d'être servi par une jeune femme aussi belle et aussi intelligente.". Non, ma main n'est pas à vendre. Vous pouvez aussi avoir un client Casanova. Après avoir fixé avec insistance une cliente en particulier (au point que cela frôle l'indécence) et salué son départ "elle est agressive, hein ? Non mais agressive dans le bon sens du terme." (sans doute un poète maudit), il s'attaque à une des vendeuses, se penchant par-dessus le comptoir pour lui demander d'un ton méditatif "la vie est belle, hum ?" puis plus inquisiteur "tu aimes la vie ?". En partant, il glissera "je reviendrai bientôt". Pas trop tôt j'espère.

Vous pouvez aussi avoir des clients envahissants. Le niveau un, c'est je me penche sur le comptoir pour regarder l'écran de ton ordinateur, ou je fouille dans la pile de catalogues sur un bureau. Le client est roi mais il y a des limites. Le niveau deux, c'est le type carrément insistant. Imaginons que vous savouriez un café lyophilisé qui vous a coûté 40 douloureux cents (et je ne vous raconte même pas le parcours de combattant dans l'arrière-boutique pour vous en emparer). Vous êtes contents, vous oubliez presque que vous travaillez en plein mois d'août. Soudain un client surgit dans votre espace et vous dit "Il a l'air bon ce petit café. Vous m'offrez un petit café ?". De toute évidence, l'homme n'a pas réalisé qu'il se trouvait dans une librairie et pas dans un salon de thé. Vous refusez poliment. Vous croyez que ça va l'arrêter ? Il vous redemande, avec cet air niais tellement agaçant "Anh, vous êtes sûr(e) que vous pouvez pas m'en offrir un ?" et là vous avez envie de lui demander "vous ne voulez pas un spécimen plutôt ?".
Il y a aussi ceux qui insistent parce qu'ils n'écoutent pas/ne veulent pas entendre. Par exemple, le comptable vous a interdit de prendre les cartes bleues sans puce pour cause d'impayés. Vous les refusez donc en disant "non on ne peut pas" lorsqu'on vous en tend une, en prétextant que la machine est en panne. Certains insistent malgré tout, mimant le geste de passer la bande magnétique dans la machine. Dans "ça ne marche pas", je me demande encore le mot qu'ils n'ont pas compris. Il y a aussi ceux qui vont voir plusieurs vendeurs et posent les mêmes questions/débitent les mêmes jérémiades, dans l'espoir que la réponse change. Il y a aussi ceux qui insistent au nom de leurs souvenirs ("ah mais si, la dernière fois on m'avait tout offert." un magasin qui donne autant qu'il peut... quelque chose cloche, mais quoi ?) ou de ce qui se fait ailleurs. Il y a des gens qui sont tellement sourds qu'ils continuent leur laïus malgré les réponses qu'on leur apporte (du type "- ah mais si, j'étais déjà venue il y a deux semaines et on m'a déjà dit qu'il était indisponible et qu'on allait en recommander, alors là ça commence à peser... - non mais là vous me parlez de tel ouvrage, moi je vous parle de tel autre. - c'est vraiment n'importe quoi, je... hein ?").
Il y a toujours des clients pour vouloir refaire le monde, vous expliquant à partir de son expérience concrète, que par exemple vous auriez de plus en plus de non-titulaires qui allaient venir chercher des manuels dans votre librairie, et qu'il allait falloir que vous vous adaptiez (Dieu seul sait comment : en instaurant un système de prêts, comme une bibliothèque ?). Il ne comprend pas qu'il s'adresse à des sous-fifres, simples vendeurs n'ayant qu'une faible marge de manœuvre et aucun pouvoir décisionnel. C'est toujours comme ça, retenez-le : les clients s'en prennent toujours à ceux qu'ils ont sous la main, et ce ne sont jamais les responsables.

Il y a des clients qui viennent aussi pour se faire psychanalyser pour le prix d'un manuel (lorsqu'ils en prennent un). On n'a pas réussi à identifier pour l'instant l'origine du phénomène mais il suffit d'un rien (comme l'innocente question "vous êtes enseignante ?", "vous enseignez où ?" voire le très candide "c'est pour vous ou pour votre petit-fils ?") pour qu'ils se sentent autorisés à s'épancher, voire à pleurer sur votre épaule. Vous apprendrez alors qu'ils ont arrêté l'enseignement pendant quelques années pour cause de dépression nerveuse, qu'ils enseignent à Kinshasa et qu'ils ne peuvent pas sortir du lycée français au risque de se faire agresser ou encore plus réjouissant qu'ils n'ont que quelques mois à vivre (vous avez alors droit à un exposé sur les troubles dont ils sont victimes et les diagnostiques successifs des médecins). Bref, vous allez passer un super moment, sans savoir quoi dire pour les réconforter (surtout lorsque les larmes font leur apparition).
Variante, le client autobiographe. Nous avons entraperçu un client professeur de français et sans doute syndiqué, qui avait de toute évidence l'habitude de disserter à voix haute et de pratiquer la langue de bois. Il amorce son discours d'un "non mais je ne veux pas tenir une tribune syndicale", quinze minutes plus tard vous êtes toujours englué dans son discours. Les phrases sont longues, pleines de circonvolutions et de courants d'air, lorsqu'il reprend son souffle on ne sait toujours pas où il voulait en venir. Il vous explique, en vous regardant dans les yeux avec le désir net de vous convaincre, mais il passe d'un sujet à l'autre sans esquisser la moindre récrimination intelligible. Il capte l'attention de tous les vendeurs, tous intrigués par le pamphlétaire, mais une fois qu'on a fait mine de l'écouter on ne peut plus fuir car il vous a harponné des yeux, on n'ose même pas l'interrompre pour lui demander de régler ses achats. Poli, il conclut "bon j'espère que je n'ai pas été trop bavard". À peine.
Il y a aussi le client métaphysique, aussi connu sous le nom du client qui dit "pourquoi". Par exemple "pourquoi le guide de l'enseignant n'est pas sorti ?" Je ne sais pas, parce qu'il n'a pas encore été écrit/imprimé/envoyé, c'est peut-être un indice ? Ou pire "pourquoi vous n'avez pas ce livre en stock ?". Sans doute parce c'est une édition qui a dix ans ou encore qu'il est édité par une autre maison (notons que ces exemples sont spécifiques aux espaces pédagogiques attachés à une ou quelques maisons d'édition scolaire).

Toujours dans le cas des espaces pédagogiques (mais peut-être qu'on retrouve les mêmes dans les magasins "normaux"), il y a bien entendu les professeurs qui veulent vous convaincre du bien-fondé de leurs idées en matière de politique commerciale ou du scandale inhérent à leur situation (parce que le client est toujours brimé, règle n°1).Par exemple, un professeur de math qui vous explique très sérieusement qu'il serait avantageux pour votre maison d'adresser des spécimens de lycée à des professeurs de collège. Petit éclaircissement : les maisons d'édition envoient des spécimens aux professeurs dans l'espoir qu'ils tombent raides dingues du manuel et le fassent adopter dans leur établissement. Je me permets de douter qu'un prof demande à son directeur "bon, pour l'année prochaine, je veux qu'on commande des manuels de 2nde pour les 4èmes, ça m'a l'air d'être un bon plan". Donc en somme : le type nous dit que nous avons intérêt à lui offrir (+ frais de port) tous les nouveaux manuels que nous éditons dans une matière pour son usage personnel, plutôt que de les lui vendre. Hum.
Il y a des clients pas dégourdis. Ils vous abordent en disant : "vous pouvez m'apporter ça ? ça m'évitera de chercher devant tout le magasin.". Pourquoi pas. Vous lui expliquer que le guide pédagogique est disponible gratuitement sur Internet, il vous répond qu'il préfère le support papier. Vous allez diligemment chercher les guides papier. Vous passez derrière la caisse, lui annoncez le montant. Il fait les gros yeux. Avec beaucoup de patience, vous demandez à votre supérieur si vous pouvez lui offrir les manuels. N'étant pas sorti dans le courant de l'année, vous ne pouvez pas. En apprenant qu'il doit payer, tout à coup il n'a plus besoin de rien. Qui a besoin de guides pédagogiques quand on peut faire son cours tout seul (surtout lorsqu'ils coutent douze euros et qu'ils ne sont pas offerts...) ? Qui a besoin d'un manuel d'un autre niveau que le niveau enseigné lorsqu'il n'est pas gratuit ?
Ce qu'on aime chez le client, c'est sa générosité et son sens de l'à-propos.
Mais le client n'a pas que des défauts. Parfois il fait des compliments ("vraiment votre édition c'est la meilleure"), ne fait pas un scandale parce que le guide pédagogique n'est pas sorti (des profs qui font leur cours seul, ça existe !) ou partagent des anecdotes cocasses ("pendant un cours avec des PCs, il y en a qui ont réussi à aller sur des sites porno. Précoces en plus, c'était des 5ème"). Au pire, il reste toujours les collègues avec qui se gausser sous cape.

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