Alice la blonde venait d’atterrir presque malgré elle dans une salle d’attente rectangulaire (bien qu’Alice n’en discernait que la longueur), cernée de part et d’autre par une rangée de sièges qui semble s’étendre à l’infini. Quelques guéridons disposés à intervalles réguliers ornaient la pièce, supportant une même composition florale sophistiquée, et quelques tableaux en trapèze, pendus de travers aux murs, complétaient la décoration. À part les toiles, tout était coordonné en noir et blanc.
Et puis il y avait Alice la blonde, perdue dans cette salle immense. Alors elle s’est mise en marcher, déterminée à trouver une porte, quelqu’un, un moyen de s’échapper (l’ascenseur semblait avoir disparu pendant qu’elle explorait la pièce du regard) mais après peut-être dix ou quinze minutes les murs ne semblaient toujours pas s’être rapprochés. Alice la blonde compris qu’elle n’en viendrait pas à bout de cette façon.
Ses jambes lui lançaient, elle dut se résoudre à s’asseoir et à saisir un des magazines en noir et blanc posé sur l’une des tables basses. Toutes les couvertures étaient identiques. Alice feuilletait la revue mais elle n’arrivait pas à se concentrer son attention, son regard ne cessait de dériver du papier glacé. Elle tournait les pages machinalement, pour se donner une contenance.
Soudain une photo attira son attention. Elle représentait une large bâtisse d’un ou deux étages, un vieux manoir, entourée d’un grand jardin.
Alice se sentait irrépressiblement attirée par ces fleurs aux couleurs vives, cette herbe émeraude. La fascination étrange d’une photo de hasard, légendée "le lycée du château de cartes".
Lorsque ses yeux se détachèrent de l’image, un bureau était apparu près d’Alice. Une jeune femme remplissait des mots croisés, un guichet de plexiglas l’emprisonnait, au dessus de sa tête indiquait un panneau "accueil".
Alice la blonde décida de ne se formaliser de cette matérialisation soudaine et toqua à la vitre (elle espérait qu’on pourrait lui indiquer la direction du lycée du château de cartes). L’hôtesse haussa des sourcils dessinés au crayon.
« -Vous voulez y aller par le Nord ou par le Sud ?
- Pardon ?
- Le lycée. Si vous voulez y aller par le Nord, il vous faudra remplir le formulaire B727 vert. Si vous voulez y aller par le Sud, il vous faut que vous signiez le circulaire A567 rose.
- Je ne sais pas.
La réceptionniste soupira, fouilla dans quelques tiroirs et glissa deux feuillets par la fente de communication.
Alice la blonde s’en empara, vaguement étourdie. Le store venait de se baisser, de sorte qu’Alice ne pouvait en tirer plus amples informations. Au hasard, Alice signa le papier rose, rose c’est une jolie couleur, et le glissa dans l’interstice d’une boite aux lettres taillée dans le verre. En réponse, une clef s’échappa du rabat, percutant le sol carrelé avec un tintement.
Alice s’en empara puis se mit en marche vers ce qu’elle imaginait être le Sud.
Bientôt, Alice aperçut une porte qui se découpait entre deux chaises. Elle tourna la clef dans la serrure mais la porte restait immobile, comme par défi. Elle en déduisit qu’elle avait dû se tromper de sens et rebroussa chemin. La porte s’ouvrit dans son dos, par caprice. La jeune femme sentit un courant d’air effleurer son dos, elle revint sur ses pas et franchit l’embrasure. Devant elle s’étendait un jardin sophistiqué, à la française. En arrière plan, le castel qu’elle avait vu sur la photo, bardée de deux ailes qui semblaient lui tendre les bras.