Mercredi 19 mai 2010 à 20:57

http://melancholic.cowblog.fr/images/tumblrkywggsTk4L1qaedipo1400large.jpg

C’était un homme à part, un homme hors du temps. Il se fanait doucement, il me disait "retiens-moi, retiens-moi" mais j’étais trop faible, trop lasse moi-même pour l’arracher à sa torpeur. Averse de SOS translucides, je préférais détourner les yeux plutôt que le voir s’éteindre. Nous étions trop semblables pour que je puisse lui permettre de se déverser en moi.
Lorsque je lui rendais visite, toujours un peu contrainte, toujours un peu coupable, je fixais la clepsydre tandis qu’il se dévoilait à mots couverts, il tentait de pénétrer mes défenses, goutte à goutte.
Il me laissait des mois sans nouvelles (je ne cherchais pas à en prendre), m’envoyait parfois des cartes postales sans message, comme pour me dire "tu vois, je suis toujours en vie". Nous étions trop semblables pour que je n’ai pas envie de le connaitre, de me confondre avec son reflet. Mais les êtres humains sont toujours décevants (il suffit d’attendre assez longtemps). Je voulais lui parler des heures, me complaire dans nos similitudes. La grâce de ne plus être seule, jamais. Mais j’étais lasse de reconnaitre en lui mes faiblesses, comme un Narcisse se penchant sur l’étang qui n’y verrait que sa propre laideur, déformée par l’onde.

Mercredi 19 mai 2010 à 16:36

http://melancholic.cowblog.fr/images/Alice80.jpg

En regardant autour d’elle, Alice s’aperçut à sa grande surprise qu’elle n’était pas à la surface comme la photo le faisait croire, mais dans une vaste grotte. Le plafond était couvert d’une substance lumineuse (suffisamment pour rappeler un jour dans le monde d’Alice, par ciel nuageux).
Au loin, Alice entrevit la femme aux cheveux blancs, son visage perçait parfois entre les haies qui formaient le labyrinthe du jardin, qu’elle semblait arpenter méthodiquement, une à une, à petits pas pressés.
Les buissons, remarqua Alice, se mêlaient de rosiers chargés de fleurs rubis et noires.
Alice s’engagea dans une allée, décidée à gagner l’entrée du château.
Au détour d’un massif, Alice découvrit une fontaine au jet étrangement carmin. C’était un bassin de marbre blanc, les sculptures d’où s’écoulaient le liquide rubis étaient quatre cartes à jouer, des valets. À la surface du bassin se reflétait le sourire fantomatique d’un chat invisible.
Alice se pencha au-dessus de l’eau (ou quoi que ce fut) et le chat en profita pour lui donner un coup de griffe, lui labourant la joue.
Alice eut un mouvement de recul. Lorsqu’elle fléchit à nouveau, le chat avait disparu. Mais le sang sur ses doigts lorsqu’elle effleura sa pommette prouvait qu’elle n’avait pas rêvé.
Désorientée, Alice la blonde contempla quelques instants le bassin mais la surface ne lui renvoyait que son image. Elle décida alors de reprendre sa marche vers la bâtisse.

Vendredi 14 mai 2010 à 15:20

http://melancholic.cowblog.fr/images/Alice2.jpg

Alice la blonde venait d’atterrir presque malgré elle dans une salle d’attente rectangulaire (bien qu’Alice n’en discernait que la longueur), cernée de part et d’autre par une rangée de sièges qui semble s’étendre à l’infini. Quelques guéridons disposés à intervalles réguliers ornaient la pièce, supportant une même composition florale sophistiquée, et quelques tableaux en trapèze, pendus de travers aux murs, complétaient la décoration. À part les toiles, tout était coordonné en noir et blanc.
Et puis il y avait Alice la blonde, perdue dans cette salle immense. Alors elle s’est mise en marcher, déterminée à trouver une porte, quelqu’un, un moyen de s’échapper (l’ascenseur semblait avoir disparu pendant qu’elle explorait la pièce du regard) mais après peut-être dix ou quinze minutes les murs ne semblaient toujours pas s’être rapprochés. Alice la blonde compris qu’elle n’en viendrait pas à bout de cette façon.
Ses jambes lui lançaient, elle dut se résoudre à s’asseoir et à saisir un des magazines en noir et blanc posé sur l’une des tables basses. Toutes les couvertures étaient identiques. Alice feuilletait la revue mais elle n’arrivait pas à se concentrer son attention, son regard ne cessait de dériver du papier glacé. Elle tournait les pages machinalement, pour se donner une contenance.
Soudain une photo attira son attention. Elle représentait une large bâtisse d’un ou deux étages, un vieux manoir, entourée d’un grand jardin.
Alice se sentait irrépressiblement attirée par ces fleurs aux couleurs vives, cette herbe émeraude. La fascination étrange d’une photo de hasard, légendée "le lycée du château de cartes".
Lorsque ses yeux se détachèrent de l’image, un bureau était apparu près d’Alice. Une jeune femme remplissait des mots croisés, un guichet de plexiglas l’emprisonnait, au dessus de sa tête indiquait un panneau "accueil".
Alice la blonde décida de ne se formaliser de cette matérialisation soudaine et toqua à la vitre (elle espérait qu’on pourrait lui indiquer la direction du lycée du château de cartes). L’hôtesse haussa des sourcils dessinés au crayon.
« -Vous voulez y aller par le Nord ou par le Sud ?
- Pardon ?
- Le lycée. Si vous voulez y aller par le Nord, il vous faudra remplir le formulaire B727 vert. Si vous voulez y aller par le Sud, il vous faut que vous signiez le circulaire A567 rose.
- Je ne sais pas.
La réceptionniste soupira, fouilla dans quelques tiroirs et glissa deux feuillets par la fente de communication.
Alice la blonde s’en empara, vaguement étourdie. Le store venait de se baisser, de sorte qu’Alice ne pouvait en tirer plus amples informations. Au hasard, Alice signa le papier rose, rose c’est une jolie couleur, et le glissa dans l’interstice d’une boite aux lettres taillée dans le verre. En réponse, une clef s’échappa du rabat, percutant le sol carrelé avec un tintement.
Alice s’en empara puis se mit en marche vers ce qu’elle imaginait être le Sud.
Bientôt, Alice aperçut une porte qui se découpait entre deux chaises. Elle tourna la clef dans la serrure mais la porte restait immobile, comme par défi. Elle en déduisit qu’elle avait dû se tromper de sens et rebroussa chemin. La porte s’ouvrit dans son dos, par caprice. La jeune femme sentit un courant d’air effleurer son dos, elle revint sur ses pas et franchit l’embrasure. Devant elle s’étendait un jardin sophistiqué, à la française. En arrière plan, le castel qu’elle avait vu sur la photo, bardée de deux ailes qui semblaient lui tendre les bras.

Vendredi 14 mai 2010 à 14:42

http://melancholic.cowblog.fr/images/Alice3.jpg

C’était un jour ordinaire au pays des Merveilles. Alice la brune et ses pieux s’apprêtaient à incendier quelques cartes au service de la Reine de cœur, une victoire dérisoire. Une victoire quand même.
Mais c’était sans compter Alice (la blonde, la Alice du monde habituel). Alice la blonde est naïve et pleine de curiosité, Alice a soif d’aventures. Alors Alice la blonde a suivi la femme aux chignons blancs dans l’ascenseur, bien sûr les portes se sont refermées avant qu’Alice ait pu l’y rejoindre, alors elle appuya avec énergie sur le bouton d’appel, jusqu’à ce qu’on la laisse entrer dans la petite boite rectangulaire. Avant qu’elle ait pu appuyer sur un seul bouton d’étage, l’ascenseur prit l’initiative de tomber, les étages défilaient mais bientôt il n’y eut plus d’étages à afficher sur l’écran digital, l’ascenseur tombait, tombait, jusqu’aux entrailles de la Terre.
Et quand Alice la blonde entra au pays des Merveilles (expulsée par l’ascenseur sur un carrelage en damier), Alice la brune dut sortir. Cette dernière n’aurait su expliquer comment elle était arrivée dans cette caisse de métal, qu’elle n’avait jamais vue, et pourtant elle y était enfermée, et elle sentait la pression de la gravité à laquelle elle s’arrachait, et soudain les battants s’écartèrent sur le 100ème étage d’un building. Alice la brune franchit le seuil, c’était une large pièce dont la baie vitrée s’ouvrait sur d’autres gratte-ciels et un coin de ciel, elle était vêtue de cuir et avait encore un pieu aiguisé à la main, il y avait dans son regard une lueur qui disait qu’elle était prête à enflammer le monde. Elle était au sommet du monde. Alice la brune contenait sa frayeur sous un masque d’acier, elle n’avait jamais vu la lumière du jour. Elle se sentait perdue car elle ne savait pas si les gens qu’elle apercevait étaient des alliés ou des cibles. Heureusement, elle n’allait pas tarder à le découvrir. Mais ce n’est pas l’objet de cette histoire.

Jeudi 13 mai 2010 à 10:51

http://melancholic.cowblog.fr/images/LostInTranslation7.jpg

En hiver, la chaleur se conquiert au fil de l’épée. On ruse, on augmente le thermostat, mais le cœur a toujours aussi froid, alors on appuie son dos contre les rayures de fer chauffées à blanc, jusqu’à s’embraser. Dans la chambre il règne une odeur qui n’appartient qu’à l’hiver, cette senteur qui sature l’atmosphère, ténu, ce sont les effluves de l’air brûlé par le métal, combustion éthérée. Cette essence nous parvient et on se sent ragaillardi, ces exhalaisons familières au parfum de jours enfuis.
On s’y blottit car il faut bien survivre, mais cette ardeur a le goût de l’acier, on ne s’y sent pas à sa place.
On sirote une tasse fumante, on feuillette distraitement un ouvrage près du réchaud, en attendant l’été.

<< I'm Darkness | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | I'm Sin >>

Créer un podcast