Mercredi 18 juillet 2007 à 11:21

Je me suis liée à des filles assez futiles, très gentilles au demeurant, le genre qui ne va en classe que pour éviter les ennuis, les parents payant le forfait téléphonique et la moitié des sorties, celles qui s'installent au dernier rang pour bavarder et se vernir les ongles, qui sortent les premières de la salle de cours pour avoir le temps de se remaquiller avant l'arrivée éventuelle d'un nouveau petit ami, ou du moins, le départ en bande de quelques lieux de perdition où on est sensé s'amuser, qui ne rentrent chez elles que tard dans la nuit, quand elles rentrent, celles dont les principaux sujets de conversations sont les derniers couples formés et les mérites comparés des différents coiffeurs qu'elles ont écumés, celles qui ne lisent jamais parce que « lire c'est chiant »…
Il est aisé de se lier d'amitié avec elles.
Il suffit de porter des vêtements de marque à la pointe de la mode, de leur prêter un eye-liner ou leur souffler les réponses d'une interrogation, de les couvrir lorsqu'elles sèchent la première heure de l'après-midi… Et c'est le début d'une relation inébranlable.

Je les ai choisi parce qu'elles étaient assez futiles pour avoir le sentiment qu'elles étaient aussi vides et insignifiantes que moi. Sauf qu'elles, elles ne semblaient pas en souffrir. Assez futiles pour s'arrêter aux apparences, pour ne pas chercher à savoir si j'allais aussi bien que le grand sourire que je rivais à mes lèvres voulait le faire croire. Assez futiles enfin pour sortir tous les soirs : mon seul réconfort à cette époque était de m'abrutir de bruit (trouvez-vous vraiment que les sons qu'ils diffusent dans les boîtes à danser s'apparentent à de la musique ?), de lumières trop vives, de mouvements hachés et de baisers aussi lacunaires que mon existence (des baisers passionnés là où il n'y avait aucune passion, des étreintes fugaces avec des inconnus).

J'avais faim, une faim dévorante. Et rien pour l'apaiser.

Je dormais le moins possible, pour oublier plus vite, je m'efforçais de suivre en cours pour me distraire, sans jamais rien comprendre, comme si je refusais de croire qu'il y eut une seule chose de sensée et logique en ce bas monde.

J'ai même aimé. Avec toute la violence que j'épargnais à mon existence aseptisée.
Vous croyez qu'il s'en souciait ?
Mais quel bonheur de se sentir vivante.

Mardi 17 juillet 2007 à 0:27

Il paraît qu'ils ont inventé une nouvelle drogue. Le Sfix, ça s'appelle. Ça viendrait de « stop » et de « fix ». Moi ça me fait juste penser à Styx.

Il paraît qu'elle est géniale, que vous allez voir, ça va tout changer, qu'avec ça, on arrête d'aimer. Et ouais.
Plus de battements de coeur désordonnés, plus de mains qui tremblent bêtement, on peut enfin dormir sur un oreiller sec, sereinement, ne plus se laisser distraire par un visage.
Plus d'espoir vain, plus de souffrance inutile... jusqu'à la descente.

Ils vendent ça à prix d'or, c'est interdit par la loi mais on en trouve à tous les coins de rue, vendus sous le manteau, on en trouve comme s'il en pleuvait.
On dit que c'est le gouvernement qui a mis ça au point, pour accroître la rentabilité dans les entreprises, et parce qu'il n'y a plus assez de maisons ou de F4 sur le marché de l'immobilier, tout ça...

On murmure aussi qu'il y a de la came vachement pure qui circule, de plus en plus, qu'on ne trouve presque plus que ça, en fait, qu'elle est vendue au même prix que l'autre, qu'elle déménage, qu'elle est dangereuse et délicieuse, que c'est l'overdose assurée, que ceux qui y ont goûté ne ressentiront plus rien, jamais. En une seule injection t'as ta dose pour la vie.
Plutôt économique.

J'écris ce récit pour tous ceux qui n'ont jamais pressé une seringue, toutes les âmes prudes qui jurent qu'elles ne toucheront jamais à la drogue, pour tous ces ados naïfs qui prétendent préférer souffrir à oublier.
Pour garder trace. Parce que je crois qu'ils ne vont pas faire légion, d'ici peu de temps.

Moi, je me suis déjà shooté, et je le ferais encore, j'ai même une piqûre toute prête qui m'attend. Peut-être que je ne redescendrais jamais de mon nuage.
Et après ?
Je vous défends de me juger. Parce que vous auriez sans doute fait la même chose.

Comprenez-moi. Actuellement ? Oh, je n'aime personne. J'ai juste la cage thoracique criblée de points d'interrogations. Comme autant de balles. Et je dois avouer que ça fait un mal de chien. Comme un hameçon dans ma poitrine qu'on tiraille, qu'on tiraille...
Ça devrait me réjouir. Ça m'épuise.

Je n'en peux plus. J'ai plus envie. D'être tourmenté, tout ça.
Je sais ce que vous vous dites. C'est un faible, un lâche, un junkie.
Mais regardez-vous.
Vous vous croyez clean peut-être ? De vraies saintes-nitouches, pas un seul dérapage, même pas un faux pas. Vous êtes parfaits, ne touchez à rien.

Du vent. Du vent, je vous dis. Vous êtes accro, vous aussi.
Qu'est-ce que vous croyiez au juste ? Que la fièvre vous avez épargné ?
La blague. Regardez-vous. Des shootés. Shootés aux mièvreries, aux sentiments, aux endomorphines que vos sales petits neurones crachent lorsque vous vous croyez amoureux d'un autre (on est toujours amoureux de soi, enfin !) et aux montées d'adrénaline.

Moi au moins, j'ai ma seringue, ultime rempart à cette dope pernicieuse qui a commencé à courir vos veines lorsque vous avez émergés des ténèbres, doucement, goutte à goutte, tapie au fond de votre poitrine, jusqu'à ce que vous rencontreriez celui ou celle que vous êtes destinés à aimer. Que dis-je. Que vous choisissez d'aimer. Lui, elle, et puis tous les autres ensuite. Comme autant de clefs pour mieux déverser dans votre sang le poison que vous vénérez comme un dieu.
Ne vous plaignez pas. C'est vous qui l'avez voulu.

Moi, je ne joue plus.
Je vais m'injecter cet antidote à mes tourments et qu'on en finisse. Libre à vous d'en faire autant.
Il est possible que l'amour n'explose plus jamais derrière mes côtes, je sais. Et après ?

Il paraît qu'il y en a qui n'ont pas su supporter le vide en eux.
Il paraît qu'il y a des gamines devenues frigides qui vendent leurs charmes dans l'espoir de pouvoir un jour acquérir de quoi neutraliser le Sfix.
Il paraît que l'industrie et les entreprises sont en chute libre, parce que leurs employés n'ont plus envie de rien.
Il paraît même qu'il y a des cœurs châtrés qui en sont morts de désespoir, vidés de toute substance.

...

Et puis après ?

Mardi 17 juillet 2007 à 0:15

Tiens c'est le jour où je deviens vieille.

Je voulais juste vous le signaler.

Dimanche 15 juillet 2007 à 19:46

Vous savez, ma vie a toujours été fade. Morne. Plate. Insipide. J'en ai cherché des synonymes pour tapisser les murs de mon ennui, vous savez.
Tout était vide autour de moi, dénué de sens et de substance, avec ma rencontre avec lui.
J'ai tellement besoin de lui…

Sur le moment, j'ai réellement eu l'impression de vivre un rêve.
Quand deux solitudes s'entrechoquent…

Je ne m'étais jamais sentie bien nulle part, auparavant.
Pas à l'école, en tous cas, où on me forçait à apprendre toutes ces choses inutiles et incompréhensibles, comme tout autour de moi.
De toute façon, le futur m'apparaissait comme un brouillard qui s'opacifiait un peu plus à chaque pas, vaguement menaçant, pour faire bonne mesure. Rien ne me poussait à faire des efforts, à m'investir, à travailler dur pour mon avenir. Il n'y avait pas d'avenir et aujourd'hui encore...
« Peu importe la direction que prendra ma vie » pensais-je « de toute façon, cela m'est égal de vivre. »
J'attendais la mort sans impatience ni appréhension, le temps s'écoulait avec une constance qui n'avait d'égal que mon indifférence.

Je ne me sentais pas à ma place chez moi non plus. Je me suis toujours demandé pourquoi la Nature m'avait doté de parents, d'une famille.
Je crois que j'aurais préféré la solitude à leurs présences insuffisantes.
C'est sans doute pour cette raison que dès que je fus en âge de sortir, et même un peu avant sans doute, je désertais la maison presque tous les soirs. Que ça leur plaise ou non.
J'imagine qu'ils se sont habitués au fait de ne plus avoir de fille. Je l'ignore et ça m'est bien égal.

Dimanche 15 juillet 2007 à 12:39

Il me semble que je l'ai écouté des heures durant, avant qu'il ne daigne lever les yeux de sa guitare et m'adresser quelques mots.
Ne le croyez pas prétentieux, ou imbu de lui-même.
C'est peut-être l'être le plus gentil que je connaisse.
Il a besoin de fuir, c'est tout. Comme nous tous.
Et j'imagine qu'il a du mal à s'arracher à ce qui le protège. Quelques notes pour étouffer le silence et une cigarette.

De toute façon, je crois qu'il n'avait pas l'habitude qu'on l'écoute.
Regardez ces gens de la ville, tous ces citadins. Enfermés dans leur bulle électronique, hermétique.
Juste s'arrêter un instant, faire une pause, respirer, goûter de la musique qui chuchote au coeur… C'est sans doute trop demander.

À ses côtés, je n'avais besoin de tien. J'avais juste le sentiment d'être à ma place. Enfin.

Quelqu'un d'aussi doué… Je me disais qu'il devait forcément jouer dans un groupe, qu'il courrait les petites salles pour se produire et les cafés concert avec ses comparses, qu'il jouait sans cesse en attendant de passer pro.
Si c'était le cas, il ne m'en a jamais parlé. Je crois que je n'aurai pas supporté.
Parce que c'est ce qui était si formidable entre nous : le sentiment de dépendre totalement l'un de l'autre. De n'être que deux sur Terre.

De toute façon, à la réflexion, il ne jouait pas avec… rage, comme pour survivre.
Il jouait avec calme, avec détachement, comme si c'était un simple passe-temps. Mais moi je savais bien que pour lui, c'était vital.

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