Fée et moi, on va le faire. On va vraiment le faire.
C'est sûr. Maintenant.
On a rencontré des gens, Machi. (Quand je dis on, c'est Fée et moi. C'est toujours Fée et moi. Même lorsque je dis je, il y a Fée qui se cache quelque part dans le point.)
Ils sont jeunes, tu sais. Encore plus que nous. Et pourtant...
Ils sont libres. Un peu fragiles, un peu instable.
Différents, ça c'est sûr.
Je les aime beaucoup.
Magnifiques ? Un peu surnaturels.
Et parfois tellement terre-à-terre.
Et ils fument tellement que parfois un nuage de fumée les précède.
Leurs vêtements ne sont pas normaux non plus.
J'aime bien.
Ils semblent à ce point irréels que je me demande parfois si je ne les ai pas croisé en rêve.
Surréalité.
Long voyage dans ce tube glacé pour les approcher.
Perdition.
Loin de tout. Loin de toi.
Fée ?
Il n'y a rien... rien d'autre que ce vent glacé, ce livre que je tiens entre mes doigts engourdis et ce manège qui tourne tourne tourne...
Attente.
Après, bien sûr qu'il y a la mer des anonymes qui passent, rient trop fort et disparaissent au détour de l'allée.
Crois-tu qu'ils aient la moindre importance ?
Silhouettes éthérées émergent de la brume des innombrables.
Saltimbanques.
L'air se réchauffe.
Alors je ferme mon livre et pars à leur rencontre.
Félicité.
Tu les verrais, Machi... Toi aussi, tu voudrais les connaître.
S'ils sont beaux ? Bien sûr. Comment pourraient-ils ne pas l'être ?
Ils sont trois. Juste trois.
Trois visages souriants, trois cascades de cheveux bruns et bouclés.
Trois cigarettes.
Un seul briquet.
Il faut bien partager un peu d'intimité.
J'aime Machi.
J'aime battre le pavé de la capitale à leur suite, à leur poursuite, entrer dans des boutiques superbes et minuscules dont les étagères croulent sous le rêve, des robes somptueuses qu'on ose à peine effleurer, princesse, et toutes ces choses belles, et inutiles... Si belles.
Magie.
Éclat de rire.
Inscrire une fraction d'éternité dans une boîte.
S'asseoir à même le sol et rire encore.
Parler à demi-mots (les mots ont-ils encore un sens ?) et rire toujours.
Parcourir les sous-terrains.
Écouter de la musique cabalistique et affirmer qu'on aime.
Bien sûr qu'on aime.
Leurs sourires ont un goût de sel et d'exotisme.
Leurs gestes sont saturés d'une grâce maladroite, et parfois, je me dis qu'on pourrait se nourrir de leur essence.
Tu sais... Je ne sais pas si c'est parce qu'elle était avec moi la première fois... mais au fond de leurs yeux, je crois voir voler une Fée.
Fée.
Vendredi 17 août 2007 à 16:47
Vendredi 17 août 2007 à 16:17
J'étais un peu triste, parce qu'il ne me parlait jamais de lui, et moi je l'aimais si fort, si fort.
Il s'asseyait sur la chaise en face de moi, avalait son café trop vite, comme s'il aimait se brûler les papilles, et s'échappait comme un voleur, avec le regard un peu voilé de celui qui sait qu'il ne peut pas payer.
C'était toujours moi qui le retrouvais,, assis à même le sol, ou sur un trottoir ou un banc, et je l'invitais à prendre un verre. Et il acceptait avec un sourire timide.
Il répondait rarement à la foule de questions que je lui posais, mais il m'écoutait toujours attentivement, quoi que je dise.
Rien d'important, j'en ai peur.
Mais ça l'intéressait quand même. Ou alors, il faisait bien semblant.
J'essayais de traîner aussi souvent que possible dans le quartier où je l'avais croisé la première fois.
Ainsi, j'ai réussi à le voir une fois par semaine, parfois plus.
À force de le cuisiner, j'ai réussi à lui faire avouer qu'il cherchait quelqu'un.
« Ta princesse charmante ? » j'ai demandé en riant.
Il a détourné les yeux en rougissant, avant de s'éclipser.
Peut-être bien que je ne l'ai pas revu depuis.
Un garçon bien mystérieux
Vendredi 17 août 2007 à 15:28
Je vous ai déjà dit qu'il est magnifique ?
Oui, bien sûr. Ce n'est pas comme s'il m'arrivait de parler d'autre chose.
Mais c'est le père de ma fille, vous comprenez ? C'est le…
Pardon. Je vais essayer de parler d'autre chose, d'accord ? Je vais…
Je ne suis pas marrante, hein ?
Vous pouvez me le dire, vous savez. J'ai l'habitude.
Toujours à répéter « Et Yuu ceci... », « Mon ex-mari cela »…
Je ne devrais pas, je sais. Mais…
Pas étonnant qu'il ne veuille plus de moi. Je suis si…
Et puis les coups de fils fantômes, la silhouette qui hante les fenêtres en ombre chinoise… Un rien oppressant, non ?
Ma décision est prise. Enfin. Mieux vaut tard que jamais. Je veux tourner la page.
Il est temps que je passe à autre chose, non ?
Ras-le-bol de Yuu.
Parce que la veuve éplorée, ça va cinq minutes mais bon, hein…
Je l'ai suivi, hier.
je voulais savoir.
Ce qu'il fait de ses journées. Par quoi il m'a remplacée. Des détails comme ça.
Je suis sûre qu'il m'a vu.
Mais qu'est-ce que vous vouliez qu'il me dise ?
Il est si gentil… Yuu.
Meiko est rentrée de l'école, tout à l'heure, elle a écarquillé les yeux lorsqu'elle m'a vue (il paraît que je ne suis jamais à la maison… foutaises.) puis elle est allé »e directement dans sa chambre. Sans déposer un baiser léger comme un papillon sur ma joue. Sans prendre le plateau chargé de victuailles que je lui tendais.
Mais ce n'est pas si grave. J'aime toujours autant les tartines à la confiture de fraises.
J'aimerai tant lui parler, savoir comment elle va, elle me regarderait avec des yeux ronds, pour changer, alors que je ne ferai que remplir mon rôle de mère, j'aimerai lui dire que suis née pour la rencontrer et je lirai dans ses yeux la réprobation, j'y lirai que je suis née pour rencontrer Yuu.
Meiko… Yuu..
Mes dernières entraves à cette existence se tendent, et je sens les nœuds se dénouer, je crois que je vais…
Pourquoi ? Je n'ai fait qu'aimer.
Alors je passe un coup d'éponge sur la table maculée de miettes et je me laisse choir sur une chaise, pour songer confortablement à Yuu.
Vendredi 17 août 2007 à 14:52
Nous ne sortions jamais.
Peu importe. Je n'avais besoin que de lui.
Combien de temps sommes-nous restés ainsi, à nous nourrir l'un de l'autre ?
Trop longtemps.
Puisqu'un jour… C'était inévitable, j'imagine.
Il est parti.
Adam.
(à suivre ?)
Vendredi 17 août 2007 à 14:49
Il habitait une villa gigantesque, très luxueuse. Trop spacieuse, même pour nous deux.
Je n'ai jamais su si elle lui appartenait vraiment, si on avait le droit d'être là, ou…
Ça n'avait aucune importance.
Nous aurions pu occuper chacun un ou deux étages (ce n'était pas comme si nous étions à l'étroit) et pourtant nous ne nous aventurions guère en dehors des combles.
Les poutres anciennes, l'odeur des charpentes et toutes les vieilleries entassées nous fascinaient.
Et dans un coin, un matelas pour une seule personne, à même le sol, où nous nous serions, frissonnants en dépit des couvertures, comme si tout allait disparaître, et dans un sens, c'était le cas.
Notre univers était comme instable et je crois que c'est pour ça que nous avion,s si peur.
Alors, vous pensez bien que je savais. Bien sûr que je savais. Pour la drogue.
Mais qu'est-ce que vous vouliez que je lui dise ? Je me suis trop noyée dans l'alcool pour avoir voix au chapitre.
Je suis juste un peu… triste. Parce qu'il n'est plus seul, vous comprenez.
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