On devrait écrire une loi. Un décret. On devrait même intégrer cette clause dans les droits de l'homme.
Quelque chose de très classe, avec les formes et tout, qu'on publierait dans le bulletin officiel souligné trois fois en rose.
Parce que tant de douleurs… ça devrait pas être permis.
Bien sûr, ce n'est rien, vous pensez.
Ce qu'il y a de bien, avec les autres, et à plus forte raison, les adultes, c'est que plus on souffre, moins c'est grave.
Ils vous regardent vous tordre à leurs pieds, une petite larme à l'œil, mais pas parce qu'ils éprouvent de l'empathie, pensez-vous ! Ça leur rappelle les émois de leur jeunesse.
Parce que c'est du passé, pour eux, vous comprenez. Donc, c'est insignifiant, et LEURS soucis sont bien plus préoccupants, ça va de soi.
Voyez la mentalité de l'animal.
Des fois, je me dis qu'il n'y a que les enfants qui comprennent le vrai chagrin.
Bon, d'accord, c'est pas essentiel. C'est même pas capital, alors vous pensez…
Je veux dire, c'est pas comme si je parlais de la faim dans le monde, des guerres, du réchauffement de la planète et de la disparition de la faune & de la flore, ou de l'augmentation du prix du steak haché.
Pas de quoi ébranler l'univers, ça c'est certain.
Mais bon, un drame personnel, ça a toujours quelque chose d'un peu bouleversant, hein ?
Surtout si c'est le sien et pas celui des autres. Si vous voyez ce que je veux dire.
Alors on se venge avec les moyens du bord.
On jette un regard assassin au paria honnis, sans oser le balancer à travers la pièce. Ce ne serait ce que par peur des représailles.
N'empêche, je vais finir par croire une de mes connaissances ermites : le cellulaire n'a qu'une utilité (très) restreinte, sauf en tant qu'engin de torture élaboré & high-tech (n'est pas torturé qui veut).
On paie très cher pour avoir très mal : c'est génial.
Car deux choses dont on peut être sûr avec un mobile :
- vous êtes son esclave (il faut le nourrir, le bercer, l'allumer, l'éteindre, le rallumer, le mettre en mode vibreur, devenir ridicule en tendant le bras en l'air et en déambulant dans les champs pour attraper les ondes, rester un pied en l'air (au dessus d'une bouse) pour être sûr d'avoir encore du réseau (et ce à n'importe quelle heure du jour et de la nuit) parce qu'on a un rendez-vous téléphonique avec la secrétaire de quelqu'un de très important pour fixer un rendez-vous téléphonique avec son patron pour fixer un rendez-vous « en direct » autour d'un déjeuner. Il vous suce votre énergie, perturbe vos chakras, vous vous devez de l'avoir sur vous en permanence pour bondir au moindre frisson de sa carcasse afin de ne pas être catalogué comme injoignable, ce qui signifie une excommunication de la communauté puisque plus personne ne prend effectivement la peine de vous joindre.
Mais aussi – plus vous espérez recevoir des nouvelles d'une personne, moins vous en aurez. C'est la loi de Murphy. L'appareil aura même sans doute la perversité de sonner à tous propos, sauf le bon.
Comprenez bien. Demander à un individu (un mâle à plus forte raison) de vous accordez un créneau de temps de pensées entre 22h37 et 22h39 (période du brossage de dents, si brossage de dents il y a) et de le faire savoir par biais électronique, c'est trop demander.
Une paralysie systématique des phalanges, un blocage cérébral… D'ailleurs, il n'a pas votre numéro, son téléphone l'a effacé (tout seul, oui, oui) alors si même son mobile est contre vous… Mauvais présage, très mauvais présage…
Quelques médecins (femmes) se penchent sur le cas mais les I.R.M.s des individus étudiés sont trop flous pour donner des conclusions satisfaisantes (trop d'agrandissements successifs…).
Mais ça les amuse, vous pensez (il leur faut bien quelques divertissements dans les limbes arides qui peuplent leurs crânes). Nous imaginer pendues à nos téléphones obstinément muets, à nous les greffer sous le peau… Jouissif.
Je lance un appel à la révolte.
Coupons nos mobiles.
Et rira bien qui décrochera le dernier.
P.s. Manifestons aussi contre les couples répugnants qui bavent ostentatoirement en public ou qui restent en contact électronique quasi permanant ou simplement osent étaler leur bonheur ostensiblement. C'est d'un rageant…
Mercredi 22 août 2007 à 22:23
Vendredi 17 août 2007 à 18:21
Tout était changé.
Car, enfin, j'avais une raison de m'extirper de la quiétude des draps au réveil, ce ne serait ce que lui dire bonjour, échanger avec elle quelques mots…
Je me souviens que toute la faculté avait les yeux rivés sur nous, et que pour la première fois, le regard des autres ne m'inspirait qu'une indifférence sans borne.
Vous devez savoir que, comme tant d'autres, je m‘étais inscrite à la faculté plus pour rassurer mes parents que par réelle vocation.
Je n'avais aucun but, aucune passion, aucune envie.
Je me traînais comme une méduse échouée sur le sable est ballottée par le ressac, avance et recule selon le flux ou le reflux, sans jamais chercher à regagner les grands fonds. C'était pathétique.
Veronika… Elle m'a apporté sa joie de vivre. Son rire contagieux, sa passion pour le cinéma & son sens de l'équité.
Elle m'a fait rencontrer des gens passionnants, qui ont l'assurance d'être eux-mêmes.
Elle m'a apporté le goût du café crème, celui qu'on déguste dans un petit café ancien au détour d'une ruelle, et l'odeur des livres anciens qu'on feuillette, sans jamais les lire vraiment, avec vénération.
Elle m'a insufflé le courage de prendre la parole en public, d'arrêter ces cours qui ne m'apportaient rien pour réfléchir à ce que je voulais vraiment.
Elle m'a traînée de réunions d'Amnesty International en colloques WWF, jusqu'à ce que je découvre à quel point l'injustice me révoltait et que je m'inscrive dans un cursus de droit.
Je me souviens encore, que lorsque j'ai annoncé cette décision à Veronika, elle avait accueilli la nouvelle avec un petit sourire, et surtout, surtout, je me rappelle avoir été blessée par sa réaction, puisque cette réorientation était synonyme de séparation (notre faculté n'offrant pas cette filière), et que cela ne semblait pas l'inquiéter outre mesure.
Vendredi 17 août 2007 à 17:56
Fée, je suis heureuse, ma mélancolie a été balayée en un coup de vent, je n'y crois pas moi-même. Cela faisait si longtemps…
Finalement, le bonheur, c'est si peu de choses, tu ne crois pas ?
Ça fait longtemps qu'on n'a pas parlé, hein ? Juste toi & moi.
Vivement demain. Vivement toi.
Et puis il y a ce garçon, celui dont je ne t'ai pas parlé, dont je n'ai pas voulu te parler, parce que… Je ne sais pas.
Je suis tellement bien avec lui, j'ai tellement de chance…
Peut-être serais-je bientôt une nymphe ou peut-être même que déjà…
Je me blottis dans son T-shirt trop large à m'en faire une robe et tout va bien.
Le bonheur tient vraiment à si peu de choses.
Je passe mes nuits à leurs côtés, avec lui, lui et le roi des sylphes, & puis les autres…
C'est génial, tu n'as pas idée.
Il ne manque plus que toi.
Jamais je n'aurai cru… Je ne sais pas, que j'allais passer autant de temps avec eux, que nous nous entendrions si bien, que cela serait tellement...
C'est vraiment génial.
Et puis, le roi des sylphes m'apprécie, dit-on, il m'apprécie beaucoup, et ça aussi ça me rend heureuse, si tu savais, je suis tellement tellement heureuse… Parce que tu comprends, j'avais toujours l'impression de les embêter, de m'imposer, qu'on me supportait par gentillesse, après tout, je ne suis jamais que ta meilleure amie, et puis moi aussi, je l'aime bien, bien sûr, c'est quand même ta moitié, je suis si contente, si contente…
C'était peut-être ce dont j'avais besoin, l'univers qui me manquait.
Oh mon Dieu, Fée…
Je n'ai qu'une inquiétude, ce sont ces jours qui raccourcissent, la fin qui se précipite, la certitude que ces instants de bonheur prendront bientôt fin, peut-être pour toujours… Pour toujours…
Je les aime tant, Fée… Et toi, aussi.
Vendredi 17 août 2007 à 17:00
Encore une nouvelle journée.
Le téléphone obstinément muet, puisqu'il faut bien un moyen de torture moderne.
Encore attendre, errer toujours.
Fée était si belle, avec son petit sourire triste, lorsqu'elle nous a étreint, son roi des sylphes et moi, avant de monter dans cet avion pour Loin.
Un stage, un... Il faut bien vivre.
Je suis retournée à la maison de la Mer mais sans Fée elle n'est plus magique, ce n'est plus qu'une vieille bicoque en ruines. C'étai sûr.
J'ai même invité quelqu'un pour partager ma solitude, lorsque mon ennui fut las de ricocher contre les murs blancs et nus du salon.
Nous n'y faisons rien, puisqu'il n'y a rien à y faire, on s'occupe comme on peut.
Je ne fume pas, ici, sous peine de me faire gronder. Dommage. Ça ferait passer le temps.
Cette femme (puisque c'est une femme), je l'ai rencontré au hasard d'un job. C'est comme ça. Et on s'appelle encore, de temps en temps, ce ne serait-ce que pour se souvenir de ce qui fut.
Elle connaît mon existence par cœur, je n'ignore rien de la sienne.
Il faut bien se confier à quelqu'un.
Ne me demandez pas pourquoi elle. C'est ainsi.
Nous passons nos jours les yeux rivés sur nos cellulaires, faute de moyen de communication plus convaincants, mais personne n'appelle jamais.
J'écris des lettres interminables que je n'enverrai sans doute pas. Tant pis.
Encore attendre, attendre quoi ?
J'ignore seulement pourquoi j'ai quitté l'appart', certes j'y étais seule mais j'y étais bien, j'avais l'illusion d'appartenir au vaste monde et j'apercevais parfois un visage familier par la fenêtre.
Ici il n'y a que de l'herbe et des falaises.
Je devrais rentrer mais… À quoi bon ?
J'imagine que j dois vous en parler, puisque de toute façon je ne fais jamais que parler de moi, j'ai rencontré quelqu'un. Tout ce qu'il y a de plus platonique, rassurez-vous. Pourtant…
Un gentleman. Je lui di vous et pourtant il n'est guère plus vieux que moi.
Lui aussi a du temps à gaspiller, de l'ennui à peupler.
Nous nous voyons, parfois, lorsqu'il est désœuvré, lorsque je n'en puis plus de son absence.
Ici encore je l'attends, le son de ces mots ou…
Mes pensées refusent de s'en détacher.
Il est gentil, je sais qu'il y en a une autre et pourtant il me supporte.
Nous nous asseyons sur un banc, les cigarettes, le briquet passe de main en main.
Nous prenons place dans des salles obscures, chacun de mes atomes tendus vers lui dans sa plus grande indifférence.
Nous observons les vitrines sans prendre la peine d'entrer, nous parlons aussi, parfois, de choses communes et dénuées d'intérêt, nous perdons de l'argent pour oublier que nous perdons notre temps.
Nous rions, les mains crispées su une tasse de café et les manteaux qui délugent, même si nos éclats sonnent un peu faux.
Il me présente ses camarades, lorsque je l'y accule, nous errons, dans des boutiques douteuses, des bars enfumés, des rues endormies…
Mais il a prit une telle importance, vous comprenez…
Je le cite dans chacune de mes phrases, je m'en rends bien compte, mais ma confidente n'en a guère cure : elle a ses propres démons.
Je voudrais seulement entendre ses mots résonner dans mes oreilles une fois encore…
Alors j'attends. Nous attendons toutes les deux. Que le temps s'écoule. Qu'il apporte des jours meilleurs.
Encore une nouvelle journée.
Le téléphone obstinément muet.
Vendredi 17 août 2007 à 16:53
Rien que du vent, tout ça. Des insanités.
Je tourne en rond entre les murs de l'appart' 707, toute la journée durant. Pour changer.
Ces vacances ne me réussissent définitivement pas, sans compter que Fée a pris la clef des champs, elle voyage...
Savez-vous qu'elle a obtenu son diplôme ? Je suis tellement fière d'elle…
Bien sûr, il lui reste encore tant d'années à hanter les amphithéâtres… mais c'est bien, non ?
Je cherche désespérément de quoi remplir mes journées, un petit boulot… À croire que personne ne veut de moi.
Tant pis.
Je ne suis qu'un ectoplasme, l'écran est ma raison de vivre et pourtant j'effleure à peine mon clavier.
Les jours se succèdent, indifférents, monotones, ils ne mènent nulle part.
Nulle part.
Savez-vous ? Je suis encore tombée.
Sale habitude, vraiment.
Je ne suis pas sûr d'avoir envie d'en parler. Alors…
Il est minuit passé depuis longtemps, déjà. Impossible de dormir.
Je me lève à tâtons dans le noir, je me cogne partout.
Je me demande si Fée, aussi loin soit-elle, dort également.
Je savoure quelques volutes de fumée à la fenêtre (Fée a arrêté, je n'ai pas le droit de lui imposer les relents de ma mort lente).
Il fait une chaleur étouffante, même à cette heure.
Je déteste être fatiguée sans trouver le sommeil.
Fée est heureuse, vous savez ?
Et moi ? Toujours à me raccrocher à mes étoiles, il y a des choses qui ne changeront jamais.
À faire : acheter des bougies parce que c'est magique, me lever de bonne heure, envoyer un mot à Fée, arrêter d'envier le bonheur des autres.
Tiens, j'oubliais. J'ai encore perdu un point contre le temps.
Et Fée n'était même pas là.
De toute façon, il n'y a jamais personne.
J'aurai aimé qu'il soit là…
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