Le froid transperce mes os, tel mille aiguilles de glace (une, deux, trois…).
Je frissonne, malgré le pull en laine.
Qui eu cru pareil tour pendable de l'été ?
Désolation. Tout va s'écrouler.
Enfin, il me semble que…
Pourquoi ? Qui sait.
Il ne se passe rien, il n'y a rien à faire, envie de rien.
Seul réconfort : chaque seconde me rapproche davantage de vous. Vous parlez d'une bonne nouvelle.
Que tout explose, et que la déflagration les emporte, puisque les vacances se doivent d'abriter une personne insupportable, qu'elle les emporte tous.
Je n'attends plus rien, je n'attends que vous, et puis après.
Je vendrais mon âme pour une cigarette.
Vendredi 10 août 2007 à 20:07
Mardi 31 juillet 2007 à 12:04
Cher Monsieur (Madame ?) l'éditeur (l'éditrice ?)
J'ai conscience que la liasse de feuilles que vous tenez entre vos mains (celle qui était jointe à la présente lettre), et que j'ai l'orgueil & la vanité d'appeler « mon manuscrit », n'est jamais que le deux-centième à échouer sur votre bureau grâce aux bons soins de la Poste.
Cependant, vous ne savez pas ce qui vous attend. Ce n'est pas n'importe quel manuscrit. Ce n'est rien de moins que le futur best-seller que tout le monde s'arrachera. En toute modestie, naturellement.
Bien, trêve de plaisanterie (& autres mégalomanie), il me semble que je suis sensée non seulement me présenter brièvement, mais aussi introduire ce que je prends, dans mes délires plumitifs débordant d'orgueil déplacé, pour un chef-d'œuvre.
Le moyen le plus simple de saisir le contenu des feuilles (agrafées avec amour, je vous prie de le croire) glissées dans la même enveloppe que la présente serait sans doute de les lire.
À défaut, je vais tenter de vous en faire un bref résumé.
C'est un recueil de nouvelles, une sorte de « roman polyphonique », axé sur deux personnages, Jerry & Joël.
Et toutes ces nouvelles racontent une histoire, puisqu'il faut bien qu'il y en ait une.
Mais laquelle ?
Est-ce l'histoire de Jerry & de Joël, deux ados un peu paumés qui ont échappé au cocon familial pour vivre à leur façon, libres ?
Ou bien l'histoire de Joël, ce garçon un peu étrange, cette ombre, ce Dieu, ce gourou de secte en devenir, qui fascine tant ?
Ou encore l'histoire de Jerry, la jeune fille qui l'accompagne (mais est-ce vraiment une fille ?), tellement insipide à côté du grand Joël ?
À moins que ce ne soit l'histoire des Joël-addicts, tous ces fans du mystérieux Joël, dont ils attendent la réapparition de leur idole ?
Peut-être est-ce l'histoire de Jerry sans Joël, de Joël sans Jerry…
Ou peut-être est-ce juste une histoire sans histoire, des fragments des existences qui ont eu le privilège ou la malchance de côtoyer un Dieu ou un imposteur, tous ces anonymes (ou pas) dont le quotidien monotone s'est trouvé bouleversé, l'espace d'un instant ou l'espace d'une vie, par une étoile filante : Joël.
Peut-être ne suis-je moi-même qu'un visage au milieu de cette légion des innombrables, un de ces vampires en quête d'un seul sang, une lointaine admiratrice du fameux Joël, cherchant vainement à le comprendre, à le saisir (mais qui peut se vanter de pareil exploit ?), sans jamais y parvenir tout à fait.
Peut-être que vous y arriverez mieux que moi.
Essayez, pour voir.
Bien, j'imagine que c'est à mon tour de me présenter.
Ma vie est beaucoup moins enthousiasmante que celle du bien-aimé Joël, j'en ai peur. Pas de quoi en faire un roman.
Qui je suis ? Personne.
Rien qu'une adolescente parmi tant d'autres, dix-sept printemps emmagasinés dans la carcasse (certes, c'est un peu jeune, mais quel argument commercial majeur si le contenu suit !), une élève comme les autres, presque, une anormale, une dégénérée, une littéraire qui suit un cursus scientifique… pourquoi ? Dieu seul le sait.
Comme tout écrivain en herbe digne de ce nom, j'écris depuis longtemps, et Joël n'est qu'un regroupement de quelques nouvelles parmi toutes celles qui foisonnent sur mon disque dur.
Je crains que ma vie ne tienne dans ces quelques lignes.
Après tout, je ne suis qu'une gamine de plus, qui se voit déjà dans les vitrines de toutes les librairies, avec son premier roman deux fois livre de platine (et ne croyez pas que le fait que cette récompense n'existe pas va stopper mes ambitions, enfin !).
Sur ce, je vous laisse mon poulain, mon enfant, mon tout-petit, mon manuscrit, je vous prie d'en prendre grand soin.
Vous m'excuserez, j'ai un (futur) best-seller sur le feu.
Je vous prie d'agréer, blablabla
M.
P.s. Si vous êtes, comme j'en suis persuadée, submergé par mon talent (je plaisante), si le présent manuscrit ne vous a pas trop insupporté ou si d'aventure vous avez du temps à assassiner… passez donc sur mes blogs, ils regorgent de nouvelles :http://mymic.skyblog.com
http://melancholic.cowblog.fr
Dimanche 29 juillet 2007 à 22:48
Les Maraudeurs
Sirius
Mon amour, mon adoré, mon disparu
Il y a longtemps déjà que tu m'as abandonnée.
Comme les choses changent vite, en quelques années…
Moi qui me croyais accoutumée à ton absence, chaque jour m'apprends qu'il n'en est rien.
Car au moins, lorsque tu croupissais sur l'île des renégats, j'avais le sentiment que ta perte avait un sens…
Tu me hantes encore, avec cette idée tenace que ta… mort n'a aucun sens.
Certes, tu nous as quitté en héros, pourtant tu n'avais pas besoin de tant pour être le mien. Et c'est bien ce qui comptait, n'est-ce pas ?
Je t'en veux de me laisser seule de cette façon, et je me déteste d'avoir pareilles pensées.
Tu manques tellement à Harry, presque autant que moi, c'est dire, mais s'il n'y avais que toi… Et puis, il est fort. Peut-être plus… que moi.
J'essaye de veiller sur lui, comme tu me l'as demandé, mais j'ai souvent le sentiment que c'est plutôt lui qui veille sur moi, et je me haïs d'être aussi faible.
Nymphadora va bien. Je regrette que tu ne l'ais pas mieux connue.
Où que tu sois, tu peux être fière d'elle, tu sais ? Même si tu n'as de père que le nom, j'imagine.
Je m'occupe bien de ta maison, même si je suppose que ça t'indiffère, et bien plus encore, étant donné ton attachement à la demeure familiale, mais je voudrais tellement faire de cet endroit un endroit convivial, enfin.
Kreatur ne m'aide pas beaucoup, c'est le moins qu'on puisse dire, j'hésite à lui donner un vêtement. Je suis presque certaine que cela causera sa perte (j'imagine qu'inconsciemment je le tiens pour responsable de la tienne, puisqu'il faut bien un coupable) mais tant de fantômes me hantent déjà…
Je crois que cela me fait du bien d'entendre un autre son que ma propre voix dans cette maison vide, même si ce ne doit être que les grognements de Kreatur…
Je me sens vide, sans enfant (il y a bien longtemps que Nymphadora n'a plus besoin de moi à ses côtés), sans mission (tu sais bien que je me suis retirée de ma carrière d'Auror pour protéger Harry sur ordre de Dumbledore) et surtout sans toi…
Je ne suis pas faite pour la solitude, mais auprès de qui réchauffer mon âme ?
Ceux qui m'étaient chers ont déserté notre monde ou sont devenus trop grands pour que je ne les prenne sous mon aile, alors…
Au moins t'écrire m'apaise un peu… Peut-être que faire quelque chose de concret, au lieu de me perdre dans mes souvenirs, les yeux dans le vague, me fait du bien.
Je te laisse, Sirius, Ron a la gentillesse de venir prendre le thé chez toi… chez moi, à présent.
Entre veufs, on se comprend…
Tara
Déclaration: Cette histoire est basée sur des personnages et des situations qui sont la propriété de J.K. Rowling, de plusieurs éditeurs incluant, mais non exclusivement, Bloomsbury, Scholastic et Gallimard, et de Warner Bros Inc. Aucun profit n'est fait et aucune infraction aux droits d'auteurs ou aux marques déposées n'est voulue.
Dimanche 29 juillet 2007 à 20:29
Rien de ça ne peut être réel.
Ni ces gosses qui mendient au détour d'une rue, assis à même l'asphalte, ni ces vitrines qui éclaboussent de paillettes, ni les nuages noirs qui s'amoncellent au loin, ni même ces chiffres dénués de sens qu'égraine le cadran de l'horloge.
Rien n'est réel.
Vous me manquez, vous savez. Ça au moins c'est sûr, et si seulement je…
Vous savez, je pensais à vous tantôt, je pense à vous sans cesse, vous êtes beau vous savez. Je m'en veux tellement de vous imposer mon existence. Un mot de vous et je disparais.
Mais un jour, peut-être… N'est-ce pas ?
Hantée.
Je suis inquiète, vous comprenez ?
Je ne peux trop vous en dire (il m'espionne).
Je ne vous demande pas de me protéger (à quoi bon ?), je voulais juste retenir votre attention un instant.
Je ne sais que dire, tout devient tellement personnel et indécent et… insipide.
Mais puisque ça va…
Savez-vous ? Demain encore je contemplerai vos traits.
Jeudi 26 juillet 2007 à 18:21
Dans le loft plein de courants d'airs, la lecture allait commencer. Six ou sept acteurs sur des chaises pliantes au milieu d'une estrade, en demi-cercle sous des ampoules nues ? Un bruit de fuite d'eau continu dans un w-c proche. La fumée de plus en plus épaisse des cigarettes. *
Tous fumaient, comme une convention, et je me sentais vraiment misérable, avec mes doigts et mes lèvres nues de tout cylindre incandescent. Elle était là, bien sûr éblouissante comme il se doit.
J'aurai volontiers réclamé l'un de ces précieux tubes, par mimétisme, dans une tentative maladroite d'être l'une des leurs, mais j'avais trop peur de tousser, de ne pas réussir à avaler la précieuse fumée, bref, d'être ridicule.
Ils ne m'accordaient que de brefs coups d'œil, comme pour me jauger, et échangeaient des regards lourds de sens.
Comme si j'avais besoin de ça pour savoir que je n'étais pas des leurs.
J'avais atterri parmi eux un peu par hasard, un peu par erreur.
C'est Veronika, comme toujours, elle m'avais amenée là, pour me présenter, me faire partager son hobby, pour…
Elle était comme ça, Veronika : généreuse au point de m'étouffer.
Je suppose qu'elle voulait me « nourrir », intellectuellement parlant, me faire découvrir des gens intéressants, sa "tribu" et puis…
Comme si je n'étais qu'un morceau de glaise malléable à merci, qu'elle voulait façonner à son image.
Mais étais-je réellement cette surface vierge qu'elle croyait. N'effaçait-elle pas, lentement, insidieusement, ce que j'étais alors.
Ni elle ni moi n'en avions conscience.
J'étais donc assise sur cette chaise inconfortable, dans cet appartement enfumé, étouffant, parmi ces gens, ces acteurs, qui me mépriseraient si je ne leur étais pas tant indifférente.
Ils ne me toléraient que parce qu'ils avaient besoin de quelqu'un pour la pièce.
Et encore.
Ils me supportaient parce que c'était le vœu de Veronika.
Que peut-on refuser à Veronika.
Elle ne me prêtait aucune attention, elle débattait joyeusement avec son voisin de droite, leurs éclats de rire tintaient douloureusement dans mes oreilles.
Ce garçon m'avait d'emblée semblé antipathique. Allez comprendre.
C'était un tout petit club de théâtre, ils devaient être cinq ou six, pas plus. Nous attendions le « metteur en scène ».
Des étudiants de mon cours « d'histoire du septième art », exclusivement.
Je crois qu'en fait c'était eux qui l'avaient fondé, ce club, il n'avait même pas d‘existence d'administrative au campus.
Le « local » était l'appartement de l'un d'entre eux.
Cet atelier, c'était une sorte de blague entre eux, un défi, une façon de perdre du temps entre amis.
Ils n'avaient que faire de l'hypothétique représentation finale, d'ailleurs il me semble qu'il n'y en a jamais eu.
En bons étudiants en cinématographie, tout ce qui n'était pas inscrit sur une pellicule n'avait pas d'existence. Alors…
La pièce qu'ils voulaient mettre en scène était une petite pièce miteuse et sans profondeur, facile et tortueuse, écrite par un auteur contemporain sans envergure et sans succès, qui ne s'était sans doute jamais risqué à écrire autre chose.
Le dramaturge la voulait sans doute dérangeante et inspirée, absurde et détentrice de vérités publiées, ce n'était qu'une petite boursouflure de vanité, aux dialogues creux, aux situations invraisemblables et aux coups de théâtre autant inopportuns qu'incompréhensibles.
J'imagine que c'était ce qui leur plaisait.
En tous cas, Veronika adorait, tout en reconnaissant la médiocrité du texte.
J'avais échu d'un tout petit rôle, je devais apparaître dans deux scènes où je n'avais que deux ou trois répliques minimalistes. Après tout, je n'étais là que pour combler un vide, un personnage manquant.
Et pourtant mes mains tremblaient tellement…
Je voulais à ce point m'intégrer parmi ces gens hostiles, c'était bien la première fois que j'étais prête à faire des efforts pour me faire accepter… Pourquoi cela me tenait tellement à coeur ? Pour faire plaisir à Veronika ? Pour me prouver que j'en étais capable ? Ou bien…
Enfin, le « metteur en scène » ouvre la porte d'entrée à toute volée, tous se lèvent et le congratulent. Le retour du fils prodigue.
Il ne daignera même pas s'excuser.
Mon Dieu qu'il était beau ! S'il n'y avait pas eu Veronika, peut-être que…
Mais Veronika le surpassait. Elle les surpassait tous.
La lecture commença enfin.
Les acteurs débitaient leur texte d'une voix pâteuse, sans conviction.
J'avais l'impression que la plupart d'entre eux découvraient leur texte (en ce qui me concerne, je savais déjà mes quelques phrases par cœur, bien que nous n'en fûmes qu'à la lecture).
Le « metteur en scène » les interrompait sans cesse, parfois au beau milieu d'une phrase, pour leur imposer sa vision des choses.
À suivre…
* d'après Blonde, de Joyce Carol Oates
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