Vendredi 17 août 2007 à 16:50

Appartement n°708.
Juste en face du 707.
Longtemps inoccupé, il étouffe la poussière et l'air trop longtemps emprisonné qui n'aspire qu'à s'échapper à travers les vitres à double vitrage, les murs trop blancs suintent la tristesse et les meubles couverts de bâches attendent des jours meilleurs.
Bienvenue chez moi. Mon nouveau chez-moi.
Fée et moi en avions fait l'acquisition, avant de le délaisser. Mais nous avions senti qu'un jour, il nous servirait.

Avant, j'y venais, parfois, respirer sa solitude, laisser mes yeux se perdre dans le terrain vague, dehors, les clore et imaginer que tout recommence, l'appartement n°708 a le même parfum que son voisin de palier, avant que nous l'emplissions de notre essence, imaginer que je suis dans la maison de la mer, notre Eden privé, notre bulle de folie entre deux agonies.
Même écrire dans l'appartement n°708 avait un goût d'inédit, de transgression et d'étrange pesanteur.
Tout est à apprivoiser. Même les pièces vides et lasses.

Si Fée y venait, elle aussi ?
Peut-être.
Elle a le double des clefs, ça c'est certain.
Mais je n'ai jamais senti ses doux effluves se déposer sur ma peau comme une plume satinée dans l'atmosphère raréfié de l'appartement n°708.

Et voilà. Le lieu qui abrite mes jours, veille sur mes nuits.
De toute façon, je n'aurais pas pu vivre loin d'elle.

Son copain s'est installé avec elle, à présent.
Ne croyez pas qu'il me chasse, c'est moi qui ai pris cette décision, de m'éloigner un peu, de… je suis partie avant que…
Ce n'est pas que je ne l'aime plus, c'est autre chose. Elle le sait et c'est tout ce qui compte.
Je suis tellement heureuse pour elle, peut-être même plus qu'elle, alors ça nous fait rire toutes les deux.
C'est tellement… improbable, Fée avec un sylphe.
C'est merveilleux.

J'ai donc échut de l'appartement n°708.
Ne croyez pas que ce soit un supplice, que les cartons aient transités la mort dans l'âme.
Ce n'est pas une jubilation non plus.
C'est juste un détail.
Rien de grave. Rien de déchirant.
Ce n'est pas comme si je n'allais plus la revoir, jamais.

On a tiré à pile ou face, pour savoir qui resterait, mais au fond on s'en moque.
Parce que nous savons toutes les deux qu'aussi fort que nous soyons attachées à l'appart 707, au point qu'il soit devenu une partie de nous, depuis bien longtemps, avant même que nous y vivions, il flottera toujours pour celle qui y sera restée, seule, un parfum d'entêtante mélancolie.

C'est tellement étrange, incongru, un appartement vide. Sans personne qui papillonne tout autour.
Mais au fond, ce n'est pas si différent d'autrefois, avec tous ces jours que Fée passait à ses cours, à ses conférences, à ses… meetings, et que sais-je…

Parfois, lorsque l'immeuble est vide et que chacun vaque à ses occupations, que nul œil inquisiteur ne m'observera d'un air soupçonneux évoluer dans le couloir sur la pointe des pieds, lorsque je suis sûre de ne déranger personne, je quitte mon nouveau logement, vide de présence humaine, même de la mienne (j'ai tellement l'impression d'être un fantôme), je traverse le palier et je réintègre l'appart' 707. Comme on retourne pour quelques jours ou quelques souvenirs  au domicile familial, celui qui nous a vu grandir, celui dont chaque pan de papier peint terni par les ans hurle nos chimères d'enfant rêveur, nos pleurs d'adolescent révolté et nos châteaux d'Espagne, juste avant notre entrée fracassante et douloureuse dans le monde des grands. La vie « active ». Pourtant tout le monde y marche à reculon.

La première chose qui me frappe, lorsque j'ouvre la porte, et qui me manque, étrangement (parce que c'est nous c'est notre passé notre présent c'est un de nos traits d'union c'est un symbole), c'est l'absence de l'odeur de tabac froid.
Cette obsédante et infecte sentence de cigarette qui imprégnait tout et qui nous donnait des accès de désespoir, à Fée et moi, puisque rien ne semblait l'acculer à disparaître, quoi qu'en dise les publicités mensongères.
Je comprends que Fée ne veuille plus, pour le bébé et…
Mais j'ai presque envie de consumer une cigarette dans un cendrier improvisé, comme avant, tant cette atmosphère polie et anesthésie m'asphyxie.

Tiens, l'affiche de la mer n'est plus là. Dans mon ancienne chambre, je crois.
Un berceau vient y troubler l'ordre établi.
Je cherche vainement notre histoire, je cherche nos empreintes, à Fée et moi, tout est presque pareil mais tout semble bouleversé.
Alors, j'évolue dans l'appart' 707 à travers le filtre de ma mémoire mais la présence étrangère me colle à la peau.

Filtre.
Je ne fume presque plus, les volutes évanescentes prennent ses traits lorsque je suis seule, je ne veux pas, je ne veux pas vivre ici.

Je fume à la fenêtre, mon esprit s'envole sur les galions gris qui filent vers les étoiles, portées par le vent froid d'automne, et je sais que Fée décèlera les effluves âpres de tabac, et elle aura un sourire un peu passé, lavé par l'usure des jours, j'aimerai lui laisser un mot sur la table, une griffure pour marquer mon passage, mais rien n'est plus comme avant, alors je prends la clef des champs et je claque la porte derrière moi. Comme une voleuse.
Je sors pour oublier, une averse argentée dégringole du ciel, pourquoi argentée ?, je suis imprégnée de Fée, la magicienne, le ciel gris perle, c'est joli mais il y a trop de voitures qui saturent mon horizon, leur carcasse de métal me blesse, je n'entends plus la mélopée des gouttes, c'est dommage, elle m'apaise.

J'aimerais parler à quelqu'un mais je suis seule, je sais quelle voix je veux entendre mais je ne veux pas le déranger, je n'ai pas le droit, il ne sait pas que j'ai dérobé ce harpon à dix chiffres.
Malgré les jours et les années, c'est lui, toujours lui qui scintille lorsque je clos les paupières, c'est lui, toujours lui, puisque tout ceci n'est qu'un rêve, une gigantesque machination, une projection de ce que pourrait être cet avenir honni, à l'heure où rien ne sera pareil, où les moules seront brisés, mais chacun de leurs éclats s'enfonce dans mes pores, comme autant de dagues dans mon vieux cœur laminé, j'ai peur, j'ai si peur.

C'est pour ça que j'ai tellement besoin d'elle.
Car malgré quelques doutes dérisoires et quelques angoisses ridicules qui m'étreignent encore parfois… elle sera toujours là, roc inébranlable dans cette vallée de larmes.
Il m'arrive de vouloir purger mon univers de toutes ces présences douloureuses qui m'assaillent, comme autant de vagues qui me tourmentent, je voudrais écoper cet océan avec un sceau percé, parce que je n'ai peut-être besoin que d'elle… mais j'ai trop peur de l'étouffer.
Je ne conçois pas le futur sans elle, peut-être que c'est elle le futur.
Alors moi, ça va. Ça va très bien. Appart' 707.

Vendredi 17 août 2007 à 16:49

Machi…

J'ai fait un rêve… un drôle de rêve.
Je sais que ça te semble sans doute étrange, que je m'adresse à toi brusquement, pour te parler… de ce genre de détails. Je t'en parle parce que Fée s'inquiéterait trop.
Je suis sûre que toi, tu pourras garder ton sang-froid.

J'ai rêvé qu'on m'autoriserait à cesser de vivre. Et puis je me suis réveillée.
Alors je me suis levée, sans conviction, j'ai enfilé quelques nippes que j'ai piochées au hasard dans le placard.

Je suis submergée… Concours d'entrée (je n'en peux plus de rester seule), auditions de théâtre (mon partenaire a besoin de moi), et tout ces petits jobs que je dois cumuler…
Je dois aider Fée, tu comprends. Je n'en peux plus de faire mine de ne pas voir les factures qui s'accumulent sur le bureau.
Si seulement… tout n'arrivait pas en même temps.
Mais c'est pas grave. Ça va aller.

C'est juste que… Non ça ne va pas. Pourquoi ça devrait toujours aller ?
Je suis épuisée malgré mes heures à errer dans les limbes du sommeil, je suis irritable, nerveuse, le moral dans les négatifs.
Fée et quelques autres ont quelqu'un. Je suis seule.
Je veux juste me blottir contre quelqu'un et qu'il n'y ait d'autre bruit que les battements de son cœur –boum boum, boum boum…-
Non, ne me touche pas. J'aime pas. Arrête. ARRÊTE !
Haptophobie. Un mot barbare pour quelque chose très simple.
J'aurais pu être anorexique. Faire une tentative de suicide.
J'limite les dégâts.

Et les autres de s'inquiéter, et est-ce que ça va ?
Oui ça va. Non ça ne va pas. Oui c'est venu comme ça. Non je ne sais pas d'où je vous dis. Non je n'ai pas été violée.
Le message est clair : lâchez-moi.

Et je veux mourir. C'est une constatation froide, clinique. Je ne suis pas dépressive. Je ne suis pas accablée.
Simplement fatiguée. Fatiguée à en mourir.
Ne t'inquiète pas. Je veux vivre. J'ai des projets d'avenir, plein de choses à faire, des amis et une Fée. Des sourires.
Je veux mourir. Presque. Cesser de courir, de craindre les échéances, de me retourner des heures dans mon lit, culpabiliser lorsque j'échange quelques mots avec Fée qui ne concernent pas tout ce qui s'effondre autour de moi. Cesser d'étouffer.

Je veux juste qu'on me donne des vacances. Arrêter de vivre, pendant quelques temps.
M'assoire, les genoux regroupés contre ma poitrine, dans une salle blanc hôpital. Sphérique. Aucun bruit que ma respiration, que mon coeur qui cogne, aucune autre couleur que ma peau pour me crever les yeux, aucun autre goût dans ma bouche que la saveur ferreuse de mon sang.
Une perfusion me maintient en vie parce que le moindre mouvement me déchire. Parce que la nourriture ne me fait pas envie.
Je ne vois personne, je suis un poussin dans ma coquille d'oeuf immaculée.
J'ai le droit d'arrêter de m'inquiéter, de sentir le stress inonder mes veines d'adrénaline, d'aimer et d'être déçue, d'espérer et de souffrir, de sentir et de ressentir.
Je ne sens plus rien, je suis immatérielle.
Peut-être que je ne pense à rien, peut-être que les pensées se déchaînent et que je mets de l'ordre en moi.
Personne ne me cherche. Rien ne me harcèle.
Enfin j'ai le droit d'être libre.
Peut-être que c'était ça, mon rêve.
Peut-être que je veux juste qu'on me laisse tranquille.

Il y a des choses qui sont graves, et d'autres non.
Il y a des jours où il ne se passe rien, et des semaines où tout vous tombe dessus.
J'ai peur Machi. Trop de choses qui arrivent.
Et puis j'ai un ami, il…

Ça y est j'ai le bourdon. Mais ça va déjà mieux.

Merci.

P.s. Les échéances s'éloignent à tire d'ailes de pages de calendrier. Tout va bien. Tout s'est bien passé. Tout est fini.
Presque. Parce qu'il…
Je t'envoie un baiser du bout des doigts. Comme ça on ne se touchera pas.

Vendredi 17 août 2007 à 16:48

Machi

Plus le temps passe et plus j'ai le sentiment que tu t‘humanise, et tu ne peux concevoir combien cela me comble.
Non, tu ne « t'humanise » pas. Ce n'est pas le terme. Tu es sans doute la plus humaine de nous tous, dans tes fissures et tes sourires.
Mais il me semble que tu laisses les autres effleurer ton univers, à présent.
C'est bien.

Moi ? Ce que je deviens ? Oh, tu me connais.
L'appart' 707 ne désemplit pas, Fée invite souvent les saltimbanques à prendre le thé ou faire des claquettes, bien qu'aucun de nous n'ait jamais pris un seul cours de claquettes, nos voisins du dessous nous détestent.
La fille du banc passe de longues heures devant notre porte, au rez-de-chaussée, Fée l'invite toujours à entrer, lorsqu'elle rentre de l'université et qu'elle la trouve à fumer, rêveuse, appuyée contre la façade de l'immeuble. Et Fée qui me reproche de laisser mes amis dans le froid, avec une indifférence « sans rivage et sans fond » (je ne sais plus de qui est l'expression, sache juste qu'elle n'est pas de moi).
Et pourtant je ne les vois pas, je ne vois personne.
Tout s'éloigne, toi la première, et j'ai parfois le sentiment d'être une île déserte, les vagues éloignent de moi, inexorablement, tout ce qui m'est cher.

J'écris à peine, mon éditeur use ses touches à m'adresser des mails que je n'ouvre pas.
Je n'ose évoquer le sujet avec Fée : son banquier et elle ne sont plus dans les meilleures termes, nous avons annulé notre escapade à l'archipel, ça ne passe pas très bien à la fac (Fée ne doit pas être adaptée à la vie humaine).

Mais on est encore ensemble, alors ça va. Ça va toujours…

Et puis peut-être que ça ne va pas tant que ça.
Rien de grave, bien sûr.
Tu sais, outre que l'encre ne coule plus aussi bien qu'autrefois, il y a toujours ce garçon, le seigneur des sylphes, le roi  des aulnes, qui hante mes mots, qui poursuit mes songes.

Surtout, ne crois pas que les choses changent, je les crois figées à jamais dans la sombre écorce des chênes.
Mais peu importe puisqu'il m'est donné de le saluer et qu'il me réponde, puisqu'il m'est donné d'échanger parfois avec lui quelques paroles sans intérêt, puisqu'il m'est donné de lui sourire, lorsqu'il ne me regarde pas et même parfois lorsque nos regards se croisent.
Je retombe, je m'accroche à nouveau à toutes ces futilités triviales et insignifiantes, et je suis tellement stupide, je ne peux ouvrir la bouche sans l'agresser, tant je suis maladroite, tant je tremble, et tous diraient que c'est mignon, tous diraient que c'est cela tomber, et peut-être qu'il l'ignore, peut-être que mon attitude lui clame le contraire et assassine l'avenir conjugué au pluriel, et je suis tellement… Lamentable.

Tout est perdu. Mais je ne suis pas vaincue.
Parce que je suis humaine, moi aussi, rien qu'une imbécile d'humaine qui espère, qui espère toujours…
Ce ne serait-ce que parce que je sais que si je ne m'attache pas à lui, Cupidon dévira son trait pour que quelqu'un d'autre prenne la place du roi des aulnes, à l'instant même où mon cœur achèvera de soupirer, car cet imbécile refuse de tourner à vide, tu comprends. Et je sais que le roi en vaut bien un autre. Il vaut mieux que les autres.

Parlons d'autre chose, Machi, puisque c'est pathétique de s'apitoyer ainsi sur son sort, puisqu'il n'y a rien à dire, parlons de toi.
Tu es plus loquace qu'avant. Parle-moi de ce garçon qui te guérit.

J'ai peur, Machi, parfois la chimère qui fait « tic-tac » se love dans mon ventre et ça fait mal.
Les échéances courent à ma rencontre, j'aimerais me cacher sous la table mais je n'ai plus le droit.
Le temps… Fée et moi dressons son bûcher chaque soir jusqu'à l'aube et pourtant c'est lui qui nous consume.
C'est ainsi.

Ici s'achève ma lettre, Machi, je m'en veux de tant parler de moi alors que tu as sans doute tant à dire. La tentation est trop forte.

À bientôt, Machi.
Rappelle-toi : il y a un canapé qui t'attend à l'appartement.

Vendredi 17 août 2007 à 16:48

Hey, Machi !

Comment vas-tu ?
J'ai essayé de t'appeler, l'autre soir, ça m'a coûté une fortune et je n'ai même pas pu entendre le son de ta voix.
À charge de revanche.

Ça se passe mieux avec ton... Soma, ou je ne sais plus très bien comment il s'appelle ?
Kakeru m'en a touché un mot dans sa lettre, parce qu'il m'a écrit, Kakeru sait écrire, incroyable non, il dit qu'il me rendra visite bientôt, qu'il me rendra visite ici, je n'y crois pas.

Tu imagines cette anormalité génétique faire tout ce voyage rien que pour me voir, pour me voir, moi ?
Tu l'imagines tenir ses promesses ?

Moi non plus.

En parlant d'extraterrestre, l'exemplaire venu du grand froid a rejoint sa galaxie en soucoupe volante. Sans moi.
Bien sûr.
J'étais folle de croire qu'il était autre chose qu'une étoile filante.
Mais bon...
Ce n'est pas comme si c'était la première fois.
Ce n'est pas comme si c'était grave.
Alors moi, ça va. Autant que possible.

J'ai envie d'arrêter le travail à la boutique, Fée me dit de continuer, je ne connais pas assez de gens qui me ressemblent.
Je me dis que c'est triste, que je n'ai le temps de rien, et surtout pas d'écrire, de t'écrire, mais si j'arrêtais, j'aurais du temps en trop, non ?
Alors... c'est peut-être mieux comme ça.

Je ne t'ai pas parlé de notre emménagement, avec Fée ?
Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que je crois que pour moi, ce n'était un événement neuf, un changement, une fracture avec l'ordre établi... Le début de quelque chose.
C'était... comme un retour à la maison. À l'écoulement normal des choses.
En poussant la porte de l'appartement 707, traînant derrière moi mon énorme valise et Fée accrochée à mes basques, j'ai eu envie de lancer « Je suis rentrée ! » au logis vide, et je sais que pour Fée c'est pareil.

Je te l'ai sûrement déjà dit : je ne suis pas particulièrement heureuse d'être avec Fée (« être avec elle » plutôt que « la voir »).
C'est juste que lorsque nous ne sommes pas ensemble... il manque quelque chose.

J'ai tellement peur qu'un jour on nous sépare, qu'elle prenne la clef des champs et pourtant je l'aime trop fort pour que ce soit possible.
Est-ce une illusion de croire que ceux qu'on aime resteront nôtres ?

À bientôt, Machi.
À bientôt...

Vendredi 17 août 2007 à 16:47

Fée est partie.
Pas pour longtemps, bien sûr, elle va revenir, elle va revenir, elle revient toujours, je n'ai pas peur, je n'ai pas peur, elle me manque, elle me manque quand même, elle a dit ne t'inquiète pas, elle a dit je reviens, je ne m'inquiète pas, ce n'est pas de sa faute, elle me l'a dit, alors c'est vrai.
Mais elle me laisse quand même un creux au coeur.

J'ai rencontré quelqu'un, Machi. Encore.
Et parfois je me dis que si le destin m'offre autant de chance c'est que ma place est ici et pas sur notre petit archipel. Désolée. Mais un bout de mon coeur reste là-bas.
Et ce petit bout, c'est toi.

Je n'ai pas envie de t'en parler, Machi, juste pour conjurer le sort.
Je suis lasse de vomir des états d'âmes à du papier.
Mais je crois que cette rencontre panse de vieilles blessures.

Machi, j'ai l'impression que chaque fois que je t'écris, c'est pour te parler de quelqu'un de nouveau, pour étaler ma vie comme si elle avait le moindre intérêt, la moindre valeur.
Absolument.
Il y a eu la cause de mon départ, Fée, la fille du banc, un compagnon de passage et les saltimbanques.
Et maintenant, lui.
Cet extraterrestre du grand Nord.
J'en raffole.
Alors j'étreins son écharpe dans mon sommeil et je suis ridicule.
Tant pis.

Que dire, Machi ?
Les jours me rapprochent de notre emménagement, avec Fée, au septième étage d'un immeuble à la fois ancien et en bon état, perdue au milieu des ruelles étroites d'un vieux quartier de la capitale, noble, majestueux, le métro est un peu loin, il faut marcher, et c'est bon de sentir l'air frais sur son visage en passant devant la boulangerie qui exalte des odeurs de croissant.
Délice.
Et pourtant notre rêve semble s'éloigner.
Je regarde l'avenir, et j'ai peur, Machi, vraiment peur.
L'avantage, c'est la certitude de ne pas être originale.
Alors je me dépêche de détourner les yeux et d'envoyer un sourire électronique à ma Fée.

Je me rends compte que je n'ai rien à te dire, Machi.
Assez naïvement, j'aimerais te dire que tout va bien, et je crois que je ne m'étais pas sentie aussi bien depuis longtemps.
Rien que ça, ça vaut la peine, non ?

Et toi, Machi ? Parle-moi de toi. Dis-moi que ça ne va pas. Dis-moi pourquoi.
Je suis là.

J'espère qu'il neigera demain.

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