Samedi 15 septembre 2007 à 9:20

Les aiguilles tournent à l'envers lorsqu'on ne les regarde pas.
Les heures défilent, lentes et obscènes, je les observe, au loin, à demi asphyxiée.
Les yeux se ferment tous seuls, déjà épuisés. Ils transpirent le vague à l'âme et le miroir me susurre que je suis stupide.

L'étau se resserre. Nulle échappatoire, nulle échappatoire.
Comme c'est long, une année…
Pourquoi je me sens si mal ?
Quelle frayeur stupide.
Ce n'est jamais qu'un peu de temps à dilapider, 365 jours sans coucher de soleil. Et après l'enfer.

Ça va mal, ça va vraiment mal, de l'air, de l'air, je…

Une boule dans le creux des reins. S'effondrer à la sonnerie. Je perds mon temps… Emprisonnée.
Mais cela sera-t-il mieux, ailleurs ?

Pourtant tout va bien pour moi, tandis que le monde s'effondre, tout va bien, j'aimerai me taper la tête contre les murs mais ce n'est pas un comportement socialement « correct », je n'ai pas le temps de toute façon, et dehors il n'y a rien, nulle fuite possible, Fée s'envole au loin, laissez-moi partir, laissez-moi partir.

Je ne suis pas ici. Je ne peux pas être ici, je suis partout sauf ici, sinon c'est trop dur, et ma peau goutte de la lassitude de celle qui s'est accoutumée à compter non plus en heures et en minutes (comme tant d'autres), mais en jours, en semaines, et peut-être en années.

Je suis lasse d'étouffer dès les premières lueurs de l'aube.

Un seul être vous manque, tout est dépeuplé, de quel droit je lui aspire son oxygène, je déteste être dépendante ainsi, je suis une pierre, je dois me laisser porter, me laisser couler, le courant m'emporte vers … où ?, tout ira bien. Je me noie.

Samedi 15 septembre 2007 à 9:05

Fée

 

Je t'écris de ma geôle glaciale. Mais qu'est ce qui m'a pris de venir ici. Dis-le moi.
Je ne suis pas certaine de pouvoir tenir une minute de plus. Alors une année…

Mais comment vas-tu, toi ?
J'ai appris que ta nouvelle année a mieux débutée que la mienne. Tant mieux. Tant mieux.
Pourvu que ça dure.

Ici, ça ne s'améliore pas.
Un an seulement et cela semble si loin.
J'aimerai tant prendre la clef des champs et le lendemain non. Je ne sais plus très bien ce que je veux moi-même.
Les règles sont plus dures que jamais, je suis loin de ma confidente et puis…
Je ne sais pas. Mon coeur est saturé d'un mauvais pressentiment.

Je veux rentrer à la maison.

Je voudrai être libre d'être seule. Libre d'être moi.

Attendre, c'est encore la meilleure chose à faire.
Fuir. Viens m'envoler.

Vendredi 31 août 2007 à 20:43

Et soudain il n'y eu plus de temps, plus d'espace.
Sans doute m'aurait-on parlé que je n'aurai répondu.
J'étais seule, mais cette solitude n'aurait été moins grande noyée dans la foule.

Les mots me happerent & je n'étais plus vraiment là.
J'étais trop loin, tapie entre les pages.

Puis le livre prit fin et je ressentis avec une intensité accrue le bois du banc, la morsure du froid et tout ce qui peuplait mon paysage.
J'étais la peur, cette peur mystérieuse & insidueuse, tapie entre mes os.
Les mots résonnaient en moi, trop vifs, à m'en blesser la poitrine.
Terrassée.


J'allumais alors une cigarette et goûtais l'instant, lavée de toute impatience.

Mercredi 29 août 2007 à 22:16


Encore une nouvelle rentrée

L'air a une odeur de papier neuf et de lessive. Ce n'est pas désagréable : ça sent le propre. Comme si le monde voulait faire bonne impression, vous savez, qu'il avait mit ses habits du dimanche, tout à coup.
Quelle idée stupide. Comme si c'était suffisant. Ou comme si, affolé par les mutations survenues en deux mois, il fallait gommer les changements sous un vernis étincelant sous les nuages d'automnes.
Comme tout cela est dérisoire.

Encore peupler ce putain de lycée

Force de soupirs et quelques têtes familières dans le flot des moutons.
Etrangement, personne n'a eu la bonne idée de raccourcir. Ou de se délaver. À croire que même eux prennent la peine de se couler dans le moule.
Quelle tristesse.
On se retrouve, on crie et on braille, on raconte nos vacances en hurlant à tue-tête. C'est bon de se retrouver.
Oui, tu m'as manqué, des fois. Oui, j'ai reçu ta carte aseptisée avec son paysage normalisé : je t'ai envoyé la même. Oui, j'ai vu. Tu crois qu'on aura Mlle F. comme prof principale ? Oh non, t'es plus avec nous ? Mais quelle idée de passer en L. C'est bon de se retrouver.

Encore traîner les rues et les cafés

Encore fumer ma clope à la récré

Puisqu'il faut bien respirer, puisque l'idée même de d'effort est insoutenable car nous sommes des larves, puisqu'il faut bien faire mine de s'échapper, quelques minutes, quelques heures, puisqu'il faut bien se blottir dans la confortable coquille de la communauté, puisqu'il fait bon vivre d'échanger quelques banalités et bâtir un monde où on est payé à rien faire. Puisqu'on prend du café noir pour faire grand mais qu'on aurait préféré un chocolat, puisqu'on se dit qu'elle est loin l'enfance.
Puisqu'on sature l'atmosphère de paroles éphémères & de nicotine (c'est un tel acte de rebellion), qu'on parle finance en déficit et sorties à venir comme si c'était important, qu'on rie sans raison, qu'on a rien à se dire mais qu'on parle quand même, qu'on griffonne de concert quelques mots sur une feuille, qu'on s'inspire largement de celle du voisin, et on hausse les épaules, faussement indifférent, à l'évocation des éventuelles conséquences.
Puisque c'est ça, la vraie vie : boire un verre entre amis et hausser les épaules à l'avenir.
Puisqu'on est con, putain, ce qu'on est con.

 
Encore se taire ou bien se révolter

S'assoire sagement. Ecouter le professeur. Respirer. Ne pas se laisser distraire. Faire les exercices demandés. Ne pas se laisser aller. Se laisser couler… Comme une pierre. Car les pierres ne ressentent pas.
Se laisser emporter par le courant. Se fondre dans la masse.
Ne pas hurler. Ne pas pleurer : c'est sale. Être ce que l'on attend de toi : une machine.
Ne pas se démarquer.
Laisser les adultes avec leur bêtise, rien que parce qu'on sera bientôt comme eux.
Endurer le supplice de l'aiguille qui tourne à rebours, de la fenêtre qui déborde de soleil, du sourire de E.
Laisser les adultes dire des bêtises, obéir.
Les regarder tout détruire en souriant.
Retenir toutes ces insanités, mais avez-vous jamais vu chose plus stupide, dites-moi, il y a-t-il seulement un sens à tout ça ?
Surtout ne pas lever le poing, ne pas crier, ne pas se laisser mourir : ils seront toujours plus fort que nous. Trop de larves.
Passer dessus. S'enfermer dans ses pensées. C'est bien le dernier endroit où on est en sécurité.
Essayer d'oublier. Serrer les dents. Penser à ce futur qui ne sera pas meilleur mais faisons semblant de le croire.
Respirer. Ne pas se laisser submerger. Rester en vie.


Encore attendre
Encore apprendre
Mais y'a rien à comprendre
Y a rien à comprendre

Attendre. Un monde meilleur, un baiser de E. La sonnerie. Un instant en tête à tête avec le papier. La fuite. Le sommeil & l'oubli. La délivrance. La liberté. La liberté. J'veux m'en aller.



J'veux m'en aller, j'veux m'en aller
Je veux pas crever
Dans cette inhumanité

Mardi 28 août 2007 à 21:43

Le lendemain (ou plutôt, plus tardivement dans la matinée), je l'emmenais dans une bijouterie du centre-ville.
Voletant entre les vitrines cadenassées, je réussis à lui faire avouer qu'un des colliers lui plaisait : une simple chaîne dorée vêtue d'un pendentif serti d'un unique rubis pareil à une goutte de sang.
Je parviens à l'acheter sans qu'elle ne s'en rende compte (ou bien fit-elle semblant) et lui passais autour du cou à la première occasion.
Elle porta la main à la pierre, silencieuse.
« Sais-tu ce qu'il signifie ? » lui demandais-je en désignant le joyau.
Elle secoua la tête sans répondre.
« Il veut dire je t'aime »
C'était la première fois que j'avais la hardiesse d'extirper ces paroles du secret de mon coeur.
Elle m'embrassa et nous regagnâmes le campus, main dans la main.

Encore aujourd'hui, je me surprends à espérer qu'elle l'a encore.

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