Orphée :
Le Dieu du français entretient un rapport ambigu avec le langage. Inspiré par tant de muses (tragédie, comédie, …), tantôt il se méfie de son aspect conventionnel du langage et préfère rester muet, laissant les élèves s’initier au Panthéon (en gros, en leur laissant faire le cours, n’intervenant que dans les 20 dernières minutes pour rectifier le moment où le Logos les a trahis durant l’exposé). Tantôt il préfère prendre le taureau par les cornes et enfourche le langage pour un rodéo de deux longues heures. Surfant sur le flot de ses propres mots, son ton assuré trahit qu’il domine la situation.
Quoiqu’il en soit, il y aura toujours quelqu’un qui l’écoutera pendant des heures.
Il se tient éloigné du tableau, il ne manquerait plus que la graphie le trahisse à son tour.
Il est (en théorie) l’un des Dieux les plus éminents (car si quelque chose caractérise la khâgne, c’est bien le cours de français), il se croit donc autorisé à monopoliser une grande partie de son travail personnel (au grand damne du Dieu de mathématiques, qui passe régulièrement à la trappe) par le biais de lectures, ouvrages théoriques, dissertations, résumés, synthèse…
C’est un poète, et son supplément d’âme perce parfois à travers son cours et c’est un brasier passionné qui se déverse dans les oreilles attentives : il déclame son amour pour Rousseau (flamme malheureusement destinée à rester unilatérale et surtout soulever des abîmes d’indifférence dans le cœur des élèves) ou pour l’Orient, il se lamente de la grande médiocrité des copies, il évoque la Présence de Bonnefoy, bref lorsqu’il ouvre la bouche c’est la source du savoir qui se déverse de ses lèvres… mais parfois la machine s’emballe et il quitte son strict domaine d’enseignement et s‘égare sur les bancs du cirque ou la littérature comme connecting people.
N.B. cet homme exceptionnel a converti les préparationnaires au Cratyle et au futur Victor Hugo : Aragon, ce pour quoi le jury de Normale le détestera sous peu.