Je vais y aller, d'accord ?
Il se fait tard, j'imagine.
Je vais vous laisser, vous et le temps qui vous manque, tout ce que vous n'êtes plus pour moi.
Je refuse d'être une façade, je manque de patience, sans doute, et je vous prie de m'en excuser.
Pardon de ne pas vous attendre, j'ai un peu froid, toute seule. Vous n'êtes jamais là.
Je vais marcher dans les rues vides, cracher de la fumée, de la buée, et penser à vous avec des points de suspensions.
Je vais y aller, maintenant. Est-ce un adieu, un au revoir ?
Merci pour la fête, c'était bien, mais maintenant la salle est déserte, les enceintes sont éteintes et les lumières se taisent, il est temps de partir.
À la prochaine ?
Je ne peux vous garantir que je vous garderai du temps, un creux dans mon cœur (n'est-ce pas un juste retour des choses ?), mais vous ne serez jamais n'importe qui pour moi.
C'est triste, bien sûr, la porte claque dans mon dos et vous me manquez déjà un peu, mais j'ai besoin qu'on me regarde, vous comprenez ?
Et vous, vous me laissez seule, tout le temps.
Il n'y a rien à ajouter, n'est-ce pas, tout a été dit.
J'aurai aimé vous parler en face mais même pour cela vous n'avez plus le temps.
Je ne suis pas la princesse d'un de ces contes de férie qu'on lit au coin du feu. Je ne veux pas vous attendre dans ma tour d'ivoire jusqu'à la nuit des temps. Je n'en ai pas le courage.
Je ne suis qu'une pauvre humaine qui n'en peut plus de relire la même ligne. Navrée de tourner la page.
Merci malgré tout, merci pour tout, merci pour vous.
La fête est terminée.
Je vous ai aimé, vous savez.
Samedi 17 novembre 2007 à 19:52
Vendredi 16 novembre 2007 à 22:49
Dis, Machi
Je suis vraiment laide, hein ?
Je calcule tout. Je ne pense qu'à moi. Ma bouche crache du fiel.
Quelle sale adulte je fais.
La sincérité m'est étrangère, j'aime trop tout compliquer.
Comment les autres peuvent-ils seulement me supporter ?
Du haut de mon trône de plastique, je juge tous ces gens que j'écrase, que je méprise. Les autres aussi –qui suis-je ?-
Je me sens si sale, mon cœur n'est qu'une tache noircie derrière mes côtes.
Je suis en colère, cotre eux, pour tout ce qu'ils ne font pas pour moi –et moi, qu'est-ce que je fais pour eux ?-
Mon regard lui-même est voilé, je filtre la réalité derrière le voile de mon intérêt.
Je suis tellement insignifiante.
Et qu'est-ce que je peux faire, moi, pour les autres ?
Pourquoi je m'obstine à répondre « rien » ?
Je les vois se noyer et j'observe, les pieds de ma chaise fichés dans les marécages, je m'enfonce lentement, mais quelle importance, je vois leur lente agonie, je les regarde, sans doute ce sourire satisfait aux lèvres, celui de celle qui a eu l'intelligence de prendre une bouée percée. Pourquoi ?
Je m'apitoie sur mon sort, sans cesse, et maintenant encore… Serais-je à plaindre ?
Ne me réponds pas que nous sommes tous pareils.
Il existe des anges, toi même il te pousse des plumes et moi je reste au sol.
À quoi cela peut-il bien servir de vivre si ce n'est pour les autres ?
Je me jetterai bien par-dessus la balustrade, mais ce n'est pas le moment d'attrister davantage ceux qui ont la bonté de tenir à moi malgré tout.
Rassures-toi, Machi. Cette lettre n'est qu'une rêverie solitaire comme il ne s'en produit que lorsque minuit ont sonnées depuis longtemps déjà.
Il faut que je change.
Tellement facile à dire, n'est-ce pas, Machi ?
Merci, Machi. De m'avoir écoutée, lue. Ca va aller mieux, à présent.
Vendredi 16 novembre 2007 à 22:33
Il faut que vous sachiez comment tout ceci s'est achevé. Comment j'ai tout gâché.
C'était le jour de mon départ.
Quelques semaines auparavant, j'avais demandé mon transfert dans un autre établissement : je n'en pouvais plus de ces cours qui ne m'apportaient rien.
J'avais réussi à obtenir une place dans un cursus de droit, comme je l'ai déjà dit.
Pourquoi le droit ?
Me mettre en avant, prendre la parole avaient toujours été un supplice.
Mais je sentais qu'avoir le sentiment de changer les choses était important pour moi.
Défendre ceux qui en avaient besoin. Me sentir précieuse, pour une fois. Trouver ma place sur Terre.
C'est un peu cliché, c'est sûr.
Mais ça en plus eu le mérite de rassurer mes parents.
C'est Veronika, le Metteur en scène aussi, peut-être, qui m'avaient fait réaliser à quel point c'était important pour moi.
C'est une façon de se sentir exister, n'est-ce pas ?
J'empaquetais mes affaires, mes valises, mes cartons. Mon père n'allait pas tarder.
Je prenais un temps infini pour chaque geste, comme pour retarder l'inéluctable. Je me sentais lourde, pesante.
Veronika était jugée sur la table de la « cuisine », elle me regardait fourmiller avec un sourire que je ne cernais, une cigarette rivée entre les doigts.
Et moi, je lui en voulais si fort, si fort, à cause de son sourire, de son attitude que je ne parvenais pas à interpréter, parce qu'elle n'essayait pas de me retenir, de m'étreindre une fois encore, parce que j'était tellement triste, tellement triste, et elle semblait si… détachée ?
Comme si elle n'était qu'une simple spectatrice de mon déchirement.
Après, bien sûr que je devais partir, que c'était vital, qu'un mot de sa part aurait tout rendu si difficile, aurait tout brisé…
Je lui en voulais parce que c'était tellement plus simple d'être en colère que de pleurer. Avec ou sans elle.
Et bien sûr que maintenant, je sais.
Je sais qu'elle se tenait en retrait parce que ce transfert était nécessaire, que malgré toutes nos promesses l'éloignement aurait eu raison de nous (j'avais passé trop de temps à ses côtés, tout contre elle, pour pouvoir ne me contenter que d'un coup de fil, parfois), parce qu'elle ne voulait pas m'imposer sa peine en plus de la mienne, qu'elle ne voulait pas que je sacrifie mon avenir pour ce qui n'était en somme qu'une amourette d'étudiantes, parce qu'elle m'aimait, vous savez, elle m'aimait si fort…
Chaque seconde je nourrissais mon ressentiment des mêmes pensées sans cesse martelées, je refusais de décrocher un mot avant qu'elle ne m'adresse la parole, dans une sorte de fierté mal placée…
Les adieux sont toujours ratés.
J'aurais dû la remercier : merci pour elle, merci pour tout, merci pour sa présence et son amour, merci pour ma chance d'avoir croisé son chemin, j'aurais dû lui dire que je l'aimais, lui resservir toutes les banalités spécial « séparation forcée », toutes ces insanités, j'aurais dû l'embrasser, l'embrasser encore, effleurer sa joue et mettre tout mon cœur dans un regard.
Alors tout aurait pu être différent.
Aurions-nous pu rester ensemble ? J'en doute.
Elle était trop… accomplie pour moi ?
Qu'est-ce que je pouvais encore lui apporter encore, dites-moi ?
Pas mon soutien (elle semblait si forte et je n'ai même pas pu briser cette carapace), pas une épaule pour s'épancher (elle n'était pas de celles qui s'épanchent), pas mon savoir (elle en savait tellement plus que moi), pas ma joie de vivre, pas mon sens de l'humour, pas mon audace…
Je n'avais que tout mon amour et une reconnaissance aveugle, digne d'un chien stupide.
Sans doute était-il préférable que nous nous séparions. Préférable pour elle.
Je l'admirais trop pour me hisser à sa hauteur, je lui souhaitais de trouver quelqu'un qui soit digne d'elle.
Les préparatifs du départ achevés, je me suis plantée devant elle. J'attendais.
Elle a écrasé sa cigarette et m'a contemplé d'un air calme.
Elle attendait et moi j'étais tellement bouleversée –colère, amour, tristesse, regrets, angoisse, mélancolie, remords, peur, angoisse même, amour, amour, amour…- et je me sentais si laide, et tellement pleine de rancoeurs, et semblait tellement… froide ?
N'y tenant plus, je l'ai giflée et je me suis enfuie en courant, quelques sacs saisis pêle-mêle, les larmes zébrant mon visage.
Je suis partie sans lui accorder un regard, je ne voulais pas connaître l'expression de son visage.
Tant mieux. Je n'aurais pu agir autrement, et de cette façon je ne suis pas déçue, mes souvenirs restent intacts.
Mon père est venu prendre le reste de mes affaires plus tard, je ne sais pas s'il a croisé Veronika, je ne veux pas savoir.
De toute façon, il ignore qui elle a été pour moi.
Tout aurait pu être différent et pourtant l'issue était inévitable.
Cette fin en vaut bien une autre.
Je ne sais pas si elle a cherché à reprendre contact avec mi, le Metteur en scène ne m'a jamais rien dit de tel, d'ailleurs il évite le sujet, au demeurant je ne voulais plus entendre parler d'elle.
C'est mieux ainsi, sans doute.
Ainsi, elle n'est jamais qu'un spectre, pour toujours.
Jamais je n'ai pu la remplacer.
Après, bien sûr que j'aime Vladimir, que je suis heureuse. Qu'il me rend heureuse.
Mais je me surprends parfois à faire ressurgir un paquet de cigarettes de mon bureau, à penser à l'imparfait.
Je ferme le tiroir. Laissons les cendres à leur place, c'est mieux ainsi.
Ce sont tout de même de beaux souvenirs.
Mercredi 7 novembre 2007 à 23:02
Me revoilà parmi eux.
Je porte encore la bague chat mais ça ne signifie plus grand-chose.
Mais qu'est-ce que je peux bien airer là, que quelqu'un me le dise, n'importe qui.
Je me suiciderai bien dans un garage mais c'est glauque.
J'ai envie de voir personne, ni maintenant mais jamais, mais je ne sais pas si je peux me le permettre.
Trop de vapeurs d'alcool embrument ma tête, j'ai envie de rire mais à quoi bon.
Je ne rentrerai pas seule, ce soir : voilà qui dilapidera quelques heures.
Que quelqu'un vienne me sauver. N'importe qui.
Mercredi 7 novembre 2007 à 22:40
Peut-être suis épuisé, peut-être ne suis-je qu'un affreux connard.
Toujours ces bars enfumés, toujours ces cocktails trop sucrés et cette fille qui danse sur les tables.
J'aime toujours autant fumer mais chaque bouffée m'écoeure.
J'aurais aimé être romantique, voire romanesque, et vous dire que ce soir enfin j'aborderai la seule qui en vaille la peine, la brune étrange rivée à la table du fond, celle qui n'a pas décroché un mot de la soirée, celle qui accompagne la blonde que tout le monde regarde, celle qui est atterrie là un peu par erreur, un peu par hasard, pas la jolie : sa copine.
Mais je ne suis qu'un homme, j'offre un verre à celle qui massacre le comptoir de ses talons, la sexy, l'aguicheuse, celle avec qui je n'aurai bientôt plus besoin de parler, celle à qui je n'aurai bientôt plus rien à dire.
Elle est belle, son décolleté attire mes yeux, elle ne me plaît pas, je la raccompagnerai chez elle, ce soir.
Quel bonheur de se détacher, de n'être qu'un objet jetable.
Ça y est, elle m'embrasse goulûment, je cherche le regard de sa compagne, je le croise, elle détourne les yeux. J'y ai lu du dégoût.
Toujours ce même manège.
Je crois que ça me plaît.
Je jette un coup d'œil à l'horloge. Tard. Beaucoup trop tard. Encore.
Je ne veux plus m'arrêter.
Je jette délicatement son manteau sur les épaules de la décolorée, elle me lance une œillade et susurre « quel gentleman ». Tu parles.
Un dernier regard à l'Antigone du fond du bar, à demi-voilée par la pénombre et la fumée.
Demain, peut-être.
<< I'm Darkness