Mercredi 7 novembre 2007 à 20:14
Le bonheur de chercher à croiser son regard, de détourner les yeux quand c'est fait et de se dire que la prochaine fois je le fixerai. Le bonheur de s'imaginer passer la main dans ses cheveux et plonger mes yeux dans les siens. Le bonheur de le savoir sourire pour toi rire pour toi attendre pour toi et écouter pour toi. Le bonheur des premiers instants avant la routine, avant le premier baiser. Le laisser t'approcher sans avoir trop l'air de l'interesser le laisser douter et certains jours lui sourire plus que d'autres. Se demander si c'est toi qu'il regarde ou ta copine, vous qui êtes toujours ensemble. Le bonheur de le voir s'approcher discrètement, demander à ses amis de venir discuter pour venir lui aussi ou toute autre technique de drague. Le bonheur de se sentir aimée, se sentir belle, sourire, aimer sans chagrin, le bonheur des débuts c'est tellement plus qu'à n'importe quel moment. Se chercher, se taquiner, devenir très bons amis tout en se demandant quand on oserait faire le premier pas, essayer de repousser la date pour en avoir envie, pour profiter des derniers instants entre amis, pour se connaitre de mieux en mieux de plus en plus. Et puis ne plus pouvoir attendre, se jeter dans ses bras à la moindre occasion et inventer un stratagème pour se retrouver nez à nez.
Le bonheur de l'embrasser.
C'est Insupportable
Mercredi 7 novembre 2007 à 18:33
Leurs corps criblés de balles. Ne faire confiance à personne. À personne.
Une seconde boucherie. Une seconde victoire. Et un goût âpre dans la bouche.
À croire que la mort soit mon métier. Voilà qui est prometteur.
Je pensais que je serai soulagé mais je ne sens en moi qu'une vague nausée devant ce carnage. Enfin une réaction humaine.
Qui est le plus monstrueux ? Eux, eux bien sûr… ou moi ?
Les corps jonchent l'île, tout ceci est immonde, une gigantesque absurdité, tout ceci ne peut être réel. C'est impossible. Impossible. Et ces deux pauvres fous, étendus côte à côte sur les rochers.
Quarante-deux petits nègres. Tic tac tic tac.
- n'en resta plus que trois.
Deux moururent naïfs et stupéfaits
- n'en resta plus qu'un seul. Le gagnant.
Le gagnant.
Mais il y a-t-il un réel gagnant à ce jeu de dingues, (que) peut-on gagner lorsqu'on sème la mort ?
De la folie.
Fous, nous l'étions tous, le jeu révèle cela en nous.
Folie meurtrière ou espoir fou, instinct de survie délirant ou candeur démente.
J'ai vu le visage d'une de mes semblables, une gagnante également, dit-on.
Comment cela est-il possible, dites-moi ?
Je crache mon amertume, mon dégoût, par-delà les vagues. Il est temps de rejoindre l'école.
Mercredi 7 novembre 2007 à 18:15
Comme détachée de moi.
Tout est calme, tout est bien.
J'évolue dans une paisible irréalité : c'est reposant.
À la fenêtre, un vent frais gifle mon visage : c'est agréable dans la chaleur étouffante de l'appartement.
Dans leur paquet neuf, des cigarettes me narguent : je n'ai pas besoin de ça.
Un couteau fiché entre les côtes. Fée parle de déménagement. Pour qui, pourquoi ?
Jamais je n'aurai cru que…
Bien d'autres balles criblent ma poitrine, mais je n'ai pas envie de penser à ça pour le moment.
De toute façon, rien ne sert de fuir, nos ennuis futiles nous rattrapent toujours, vous ne croyez pas ?
Comme une bourrasque qui m'emporte au loin. Elle porte un nom : Battle Royale.
Magnifique ?
Seriez-vous prêt à tuer votre meilleur ami si votre survie en dépendait ?
Non, sans hésitation. Pourquoi survivre ?
Une autre fois, peut-être ?...
Lundi 5 novembre 2007 à 22:39
Vous avez tort. Tous autant que vous êtes. Vous ne pouvez qu'avoir tort.
Vous êtes là, à… sourire, à vous dévorer des yeux, à vous congratuler mutuellement… Comme s'il y avait encore de quoi sourire.
J'aimerai vous tuer pour ça mais le jeu de massacre a assez duré.
Vous ne comprenez pas que vous êtes des pantins. Evidemment.
Vous vous prenez pour des gagnants… Vous savez bien que nous serons traqués, toujours.
C'est de votre faute. Dans tous les jeux il y a des règles. Dans tous les jeux il y a des interdits.
Quel beau jeu de massacre.
L'île s'éloigne, au loin, je devine, j'imagine les corps qui la jonchent.
Des humains, comme vous et moi. N'est-ce pas ?
Quelle blague.
Une dernière cigarette avant de mourir.
Vous… Moi… Tous des pantins, pas vrai ? Des marionnettes.
Au moins, vous et moi aurons quitté l'île. C'est déjà une petite victoire.
Jamais je n'aurai cru qu'il était si facile de rejouer. Jamais je n'aurai cru qu'il était si facile de plonger.
Pourtant, je voulais vivre, vous savez ? Bien sûr que je voulais vivre.
Il y a tant de choses que j'aurai voulu (arrêter de fumer, prendre un appartement avec Keiko, aller à l'université et devenir médecin, oui, aider les autres ça m'aurait bien plu, visiter l'Europe, il paraît que c'est si beau, vivre, bordel, j'aurai voulu vivre et j'aurai voulu qu'elle vive aussi, j'aurai voulu vivre avec elle) et mes espoirs s'amenuisent à mesure que l'île ne devient qu'un point minuscule du paysage.
C'est donc cela, mourir ? Ce n'est pas si terrible.
On avait peut-être rien compris.
Salut, vous deux ! Bon courage… Vous en aurez bien besoin…
Et merci. Avant de mourir, je suis heureux d'avoir eu des amis.
Jeudi 1er novembre 2007 à 17:09
Ma mère commençait à te faire des crises de jalousies qu'elle dissimulait mal sous le couvert de la plaisanterie, elle vidait de plus en plus de verres et tu t'en occupais de moi en moins, préférant « m'aider à faire mes devoirs » ou à vaquer à tes occupations, tout simplement.
Bien que détachée de la réalité, habitant son rêve en compagnie de son fils-amant, elle sentait bien que tu te détachais d'elle, que tu t'éloignais, fissurant le ciel azur de sa chimère.
Tu sais ce qui me frappe, à présent ?
C'est qu'au fond, nous n'avons jamais communiqué, toi et moi.
Malgré tout ce temps passé ensemble, malgré cette attirance réciproque, peut-être même cet amour, malgré cette situation surréaliste, nous n'avons jamais abordé nos sentiments, ceux qui comptent, jamais nous n'avons mis à plat l'essentiel, nos échanges n'ont jamais vraiment dépassé le babillage ordinaire que tu me débitais matin et soir et pourtant, j'aurai tant eu à te confier…
C'est pour ça que je te dis tout ça, maintenant, Guillaume, tu comprends ?
Je sais qu'il est trop tard, peut-être même as-tu relégué toutes ces vieilleries au fin fond de ta mémoire.
Mais je voulais rattraper le temps perdu. Je voulais que tu saches.
Ce souvenir est marqué dans ma mémoire au fer rouge.
Ecoute. Tout se tait. Rien ne trouble ce calme inhabituel. Ni cris d'enfants ni vrombissement de moteur venu du dehors.
Le pavillon est vide, il n'y a que toi et moi.
Je suis dans le salon, je profite que Maman ne soit pas là pour me gronder pour me jucher sur la table haute, adossée au mur, dédaignant les chaises et le canapé, j'ai un livre à la main, peut-être une pomme dans l'autre.
Le salon désert borde mon ouvrage, tout est blanc, je m'arrache du monde réel.
Lorsque soudain une silhouette se découpe dans la pièce vide, se plaçant entre la lumière du dehors et moi.
Je lève les yeux, sans doute mon cœur fait-il un bond, comme souvent, c'est sans importance.
Il y a dans ton œil un éclat que je ne connais pas.
Qualifier ton regard de carnassier, ou de lubrique, serait sans doute un peu exagéré, et pourtant tu ne saurais nier qu'il y avait de cela dans tes prunelles.
Tu avances lentement vers moi, mes yeux sont hypnotisés par les tiens, je pourrais songer à un prédateur qui tourne autour de sa proie, je n'y pense pas.
Tu ne dis rien, les mots sont inutiles, tes gestes équivoques. Aucune ambiguïté possible.
J'ai peur et je suis rassurée, parce que c'est toi.
Le moment tant attendu est là, au creux de ma main.
Assez jeune pour que ce soit immoral, pour ne pas tout saisir, assez vieille pour sentir que c'est mal, sentir mon cœur tambouriner dans ma poitrine, pour en avoir confusément envie.
Je sais ce qui va se passer, mon instinct me le souffle, mais je ne sais pas, ma tête ne comprend plus, j'ai envie et non à la fois, c'est la danse du torero, les prémices du viol d'une victime consentante, une relation incestueuse entre deux individus sans liens de parenté.
Je suis perdue.
Ces gestes, ces yeux, la machine est en marche, elle s'affole, elle s'emballe, le temps se précipite, tu marches lentement vers moi, inexorablement la distance se réduit, tu as l'air si doux et un peu âpre, je ne sais déchiffrer ton regard, ton attitude, qu'est-ce que tu attends de moi, tout bascule une fois encore, je hurle non et je m'enfuis, pourtant je voulais. Tu me suis peut-être mais tu es si lent, est-ce que tu es vraiment toi-même en cet instant, ou non, je me barricade dans ma chambre. Tu ne cherches pas à entrer, ni même à me parler à travers le battant, je ne sais même pas si tu vraiment là, il me semble déceler ta présence menaçante et bienveillante derrière la porte, entendre ta respiration hachée et sifflante, et peut-être que je rêve.
Maman rentre avec mon frère et ma sœur, je me sens sauvée, je ne t'entends pas t'enfuir.
Quelques jours passés à t'éviter, à t'échapper, à me cacher derrière ma mère. Je ne saurais dire si tu cherches ma présence, si tes intentions à mon égard sont bonnes ou mauvaises, si c'est encore comme avant ou si tout est changé.
N'y tenant plus, j'ai fuis, la rue est devenue mon nouveau foyer, ma mère n'a jamais cherché à me retrouver, à ma connaissance, tu n'as jamais tenté de prendre de mes nouvelles.
Je ne saurais dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
Celle que je suis devenue est sans intérêt, sache juste que je viens, les interrogations que je soulève sur cette bande magnétique n'exigent pas de réponses, peut-être ton point de vue même n'appelle pas à être exposé.
Je voulais seulement rendre justice à cette fillette de douze-treize ans, peut-être quatorze, qui t'a aimé. Qui n'a jamais cessé de t'aimer.
Si tu veux me retrouver, je t'attends, si tu parviens à retrouver ma trace, mais je n'y crois pas vraiment.
Adieu, Guillaume. Maintenant tu sais.
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